“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

mardi 7 septembre 2010

Au lecteur précoce

Auteur : Claude Pujade-Renaud (1932)

Editions Actes Sud
Collection Babel
Liste 4, off


Il pleut ce soir sur mon bout de Bretagne et la première nouvelle de ce recueil se nomme Mourir à petite pluie. Comme la plupart des suivantes, elle se nourrit d'une histoire recélant sa part d'ambiguité, de zone d'ombre, de friches. Est-ce les histoires qui ont plusieurs fois provoqué mon malaise ? Est-ce la séduction que semblent exercer les situations opaques sur l'écrivain ? Est-ce son style hétérogène, parfois recherché, parfois terne, parfois cru ? Est-ce la violence sourde des non-dits ou des dits ? Je ne saurais dire. Toujours est-il que ce livre me donne une impression assez désagréable d'eaux troubles dont je ne sais dire si elles sont maîtrisées ou non, si l'auteur en est le maître ou le jouet et si le lecteur n'en est pas devenu un voyeur ou un prisonnier. Je crains qu'un tel commentaire ne vous incite pas à plonger les yeux et le cerveau dans ce recueil. Pourtant, j'aimerais beaucoup avoir votre avis. Claude Pujade-Renaud est une femme, ancienne danseuse dans une célèbre compagnie de danse contemporaine. Elle a dédicacé ses livres chez Gwalarn il y a quelques semaines. Sur la table réservée aux coups de coeur de nos libraires préférés, son dernier roman figure en très bonne place.

http://calounet.pagesperso-orange.fr/biographies/pujaderenaud_biographie.htm

http://ecrits-vains.com/romanciers/pujade_renaud/bibliographie.html

http://livraire.net/2010/01/13/les-femmes-du-braconnier-claude-pujade-renaud/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Pujade-Renaud

lundi 6 septembre 2010

Esclaves de l'amour

Auteur : Knut Hamsun (1859-1952)

Traduction du norvégien par Régis Boyer
Editions du Livre de poche


Ces magnifiques nouvelles ont su retourner en leur faveur la lecture préalable d'éléments biographiques de Knut Hamsun, éléments qui m'avaient considérablement refroidie. Je me suis laissé gagner par l'immense art de ce conteur qui use -sans en abuser- des ressorts du rythme des mots et des phrases, de la dissimulation de certains éléments, du mystère des êtres. Tout est vivant, tout est surprenant, plein de possibilités infinies; presque sauvages. Je raffole de la nouvelle A Blåmandsø. Plusieurs mois après la lecture de ce recueil, cette nouvelle reste très présente dans mes pensées. Elle est un drame, une tragédie de la déception amoureuse, de la possession. Le titre est très bien trouvé qui voit les personnages de ce recueil prisonniers des filets de leurs attirances amouresues, de ces attirances qui illuminent et/ou détruisent des vies, qui renversent les conventions, font craquer les barrages de la morale et céder les pires interdits. Il s'agit bien du recueil d'un auteur très talentueux et très inquiétant
Voici donc dans ce blog un autre représentant du Prix Nobel de littérature, qu'il a reçu en 1920.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Knut_Hamsun

http://www.hamsun.dk/fr/hamsun_biografi.html

http://www.lexpress.fr/culture/livre/sur-les-traces-de-l-ecrivain-knut-hamsun-nobel-et-nazi_851364.html

http://www.gaia-editions.com/index.php?option=com_content&view=article&id=374:knut-hamsun-reveur-et-conquerant&catid=12:catalogue-general&Itemid=6

http://calounet.pagesperso-orange.fr/biographies/hamsun_biographie.htm

Le Cuisinier, la belle et les dormeurs

Auteur : Radhika Jha (1970-)

Nouvelles traduites de l'anglais (Inde) par Simone Manceau
Editions Picquier

Voici trois nouvelles misant sur l'ambiguïté des situations, le doute, la zone fragile où la réalité est incertaine et fragile. Tout s'éclaircira et nos supputations seront battues en brèche. Cet art de l'équilibre est séduisant mais il ne remplace pas pour moi les qualités de style que je trouve ici trop relâché, voire pauvre parfois. -Quel est le rôle de la traductrice ?- Cependant, la deuxième nouvelle traitant de l'attirance, du leurre et des pièges de la beauté plastique m'a  intéressée quand la troisième centrée sur le fanatisme et le cynisme m'a bel et bien inquiétée.
Je profite de l'occasion pour saluer l'action de l'éditeur Philippe Picquier, qui sans relâche met à notre portée la littérature de l'Asie, ouvre notre champ de connaissance et de plaisir littéraire.

Isabelle

http://www.etonnants-voyageurs.com/spip.php?article659

http://www.lescinqcontinents.com/infos/index.php?2011/03/07/439-rhadika-jha-a-montpellier

http://calounet.pagesperso-orange.fr/resumes_livres/jha_resume/jha_odeur.htm

http://www.20mars.francophonie.org/4526-Danse-Odissi-et-danse-contemporaine

http://clubdesrats.forumr.net/t1650-radhika-jha-inde

dimanche 5 septembre 2010

La fascination de l'étang

Auteur : Virginia Woolf (1882-1941)

Traduction de l'anglais par Josée Kamoun
Editions du Seuil

Je suis depuis des mois et des mois dans la lecture laborieuse de ce recueil-ci. Des nouvelles qui paraissent être des tubes à essai, des expériences formelles, tout au moins pour les premières. Bien intéressant sans doute mais je n'arrive pour l'instant pas à m'accrocher. Et pourtant, le nom de Virginia Woolf devrait m'encourager. A suivre, donc !

Isabelle

Les nouvelles de Pétersbourg

Auteur : Nikolaï Gogol (1809-1852)

Traduction du russe par André Markowicz
Editions Actes Sud
Collection Babel

Quel délice ce fut pour moi, le temps d'un livre fascinant, le temps d'un retour en train de Strasbourg à Lannion, d'approcher l'âme russe, de frôler la folie toute particulière de ce peuple. Tout m'a semblé si vivant, si proche. Gogol, cependant, m'a inquiétée plus d'une fois : cette manière d'écrire singulière par laquelle j'ai souvent eu l'impression d'avoir moi-même vécu les situations, d'avoir assité aux différentes scènes, d'en avoir été le témoin voire la protagoniste, m'a fait toucher du doigt ma propre folie : comment puis-je ressentir jusqu'au vertige que cet écrivain russe du 19e siècle raconte ce que j'ai vécu ? Comment me connaît-il à ce point ? Par quel mystère ces nouvelles de Pétersbourg deviennent universelles et si personnelles ?

Gogol m'a fait penser à Romain Gary, cet autre écrivain de l'Est, né à Vilnius quand le premier est né en Ukraine. Leur sens diabolique de l'observation, leur tendresse pour l'humanité enfouie sous des couches de cycnisme ou de désespoir, leur crânerie devant la médiocrité et la bassesse humaines, leur énergie communicative m'ont procuré une jubilation du début à la fin. Merci Christophe et Catherine !

Isabelle

http://www.fichesdelecture.com/auteur/biographie/117-nicolas-gogol/

http://www.babelio.com/livres/Gogol-Nouvelles-de-Petersbourg/3107

http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/gogol-nicolas-le-manteau.html

Nouvelles

Auteur : Jérôme David Salinger (1919-2010)

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Baptiste Rossi
Editions Pocket

Si je l'avais déniché auparavant et bien qu'il aurait alors immanquablement alourdi le nombre déjà remarquable d'auteurs américains et le nombre légèrement supérieur à l'autre d'auteurs de sexe masculin, voilà un livre qui aurait à coup sûr fait partie de l'une des trois listes originelles -et sans doute pas la troisième.

J'espère par ces lignes vous encourager à lire ces neuf nouvelles qui, malgré la brièveté caractéristique du genre, m'ont fait m'attacher à la plupart des personnages. En faisant parler ceux-ci avec une sincérité bouleversante, Salinger dévoile ses blessures et sa sensibilité sans pudeur. A l'approche de ces êtres, j'ai été irradiée par la force de leur présence, de leur histoire, de leurs fêlures, de leurs espoirs, de ce qui leur donne ou non la force d'affronter leur destin jour après jour.

La plupart des adultes ont pris l'habitude d'interposer entre eux et leurs semblables des écrans de protection ou de mystification pour paraître plus sérieux, invulnérables ou/et attirants. Ces écrans ne font que les éloigner les uns des autres. La plupart des personnages de Salinger ne tombe pas dans ces pièges et s'expose sans fard et sans faux-semblant. La préface analyse avec beaucoup de finesse et d'intelligence ce corpus de nouvelles. Elle aborde ce sujet du changement qui intervient au moment du passage à l'âge adulte : "Tout se passe comme si, pour la plupart des êtres, entre la fin de l'adolescence et le commencement de l'âge adulte, quelque chose était irrémédiablement perdu : une certaine qualité morale. [...] Les jeunes gens parviennent quelquefois à garder un lien avec l'enfance : sûr critère de valeur humaine. Les personnages sympathiques de Salinger sont ceux qui savent être à l'aise avec les enfants, de plain-pied avec eux." Il me semble que ce livre encourage à sauvegarder la part d'enfance en nous et le double lien de légèreté et de gravité avec les enfants.

Dans sa préface, Jean-Louis Curtis revient également beaucoup mieux que je ne pourrais le faire sur certaines critiques adressées à leur auteur : "Quant au reproche de narcissisme et d'acrobatie -eh bien, tous les artistes sont plus ou moins narcissistes, et l'acrobatie, à n'en pas douter, est plus recommandable que la lourdeur. On est un peu fatigué d'entendre parler avec condescendance [...] de ces qualités artistiques que sont l'habileté, l'adresse, la maîtrise et leur forme extrême, la virtuosité. Il ne m'apparaît pas qu'elles soient si répandues ; et je n'ai jamais admis la traditionnelle antithèse qui les oppose nécessairement à la profondeur, au sérieux." Voilà, c'est dit !

Isabelle

La vierge froide et autres racontars

Auteur : Jørn Riel

Traduction du danois par Suzanne Juul et Bernard Saint Bonnet
Editions 10/18
Collection Domaine étranger


Voici donc la première série de ces merveilleux et indispensables racontars, Safari arctique étant le titre du 2e tome. Où l'on apprend que parler est, dans le Grand Nord comme ailleurs, le plus sûr moyen pour lutter contre le suicide, comment Emma a surgi dans le Groenland et comment on anéantit par la suspension dans le vide et le froid les velléités d'un lieutenant autoritaire et zélé. Ces récits impayables donnent un immense plaisir de lecture, un plaisir inédit, vif, rafraîchissant et unique. Le dernier frôle le genre fantastique. Il m'a presque fait peur. Chers complices, comment comprenez-vous la fin ?

Isabelle

Le contraire de un

Auteur : Erri de Luca (1950-)

Traduction de l'italien par Danièle Valin
Editions Folio Gallimard

J'ai lu et relu avec un indicible bonheur et une joie sans mélange Francis Ponge dans son obsession de l'expression juste, sa rage à nous offrir avec des mots le mimosa ou la forêt de pins. Il me sembla alors que nul autre ne pourrait plus me donner une forêt de pins aussi proche, aussi intime, aussi réelle ni vivante, ni vraie.

Francis Poulenc (encore un Francis que j'aime, ô combien) a mis en musique quelques poèmes de Max Jacob extraits des Poèmes de Morven le Gaëlique. Je pensai alors que plus personne ne pourrait se confronter musicalement à ces textes avec un si grand bonheur tant la réussite était éclatante, transcendante. Paul Le Flem l'a fait, avec une puissance et une profondeur égales. J'en reste confondue.

Erri de Luca s'est donc attaqué au bois de sapins des montagnes, dans un texte absolument bouleversant qui parle de deux mains réunies à l'abri des regards durant quelques instants fugitifs. Mains réunies sous une couverture durant un trajet en voiture. Moment unique de communion intime entre deux êtres qui s'aiment.

Cette nouvelle qui m'a fait pleurer au retour de Venise dans l'aéroport Marco Polo, à côté de nos trois filles esbaudies à la contemplation et l'appréciation des jeunes mâles défilant devant leurs yeux pour gagner l'avion, cette nouvelle donc, s'apelle La conjonction et. Il s'agit de l'avant-dernier texte d'un recueil d'un homme dont le cœur occupe quasiment tout le corps, la maigre place restante étant une main pour écrire.

Merci, merci à Julie et sa maman Christine qui m'ont fait découvrir ce recueil indispensable, urgent.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Erri_De_Luca

http://calounet.pagesperso-orange.fr/biographies/deluca_biographie.htm

http://www.lexpress.fr/culture/livre/erri-de-luca-le-revolte_899258.html

http://www.franceculture.fr/emission-erri-de-luca-2010-05-06.html

http://calounet.pagesperso-orange.fr/resumes_livres/deluca_resume/deluca_contrairedeun.htm

http://www.dailymotion.com/video/xf29j7_erri-de-luca-le-contraire-de-un_news

C'est égal

Auteur : Agota Kristof  (1935-2011)

Nicole, fidèle parmi les fidèles de ce blog, propose ce recueil dont voici l'article :

Une amie m'a prêté un recueil de nouvelles très courtes dont je suggère la lecture. Il s'agit de C'est égal d'Agota Kristof. Certains textes sont très sombres, reflets de la nostalgie et des difficultés de cette Hongroise exilée en Suisse et qui écrit en français. La partie centrale du recueil m'a particulièrement séduite. Avec humour souvent ou d'une plume acérée, elle dénonce les comportements des hommes et femmes d'aujourd'hui. "L'invitation" est à mettre sous les yeux de bon nombre d'hommes", c'est mon côté MLF qui réagit. "La campagne", "Les faux numéros" : idées géniales ! Mais mon commentaire n'est, bien sûr, qu'une suggestion.

Nicole

http://fr.wikipedia.org/wiki/Agota_Kristof

http://www.magazine-litteraire.com/content/rss/article?id=19694

http://www.culturactif.ch/livredumois/mai05kristof.htm

A contre-sens

Auteur : Noëlle Châtelet

Editions Gallimard

Voici un recueil pour lequel Nicole (oui, LA Nicole des commentaires qui est aussi la Nicole du Christophe des commentaires) nous invite à la dégustation. Mettez vos serviettes et lavez-vous les mains en refermant le livre !


Isabelle, je viens de lire un recueil de cinq nouvelles intitulé A contre-sens de Noëlle Châtelet. Le sujet de chaque nouvelle est un des cinq sens. La première sur l'odorat est particulièrement réussie, la dernière sur le goût est une idée très originale, la troisième sur l'ouïe est très émouvante ; j'ai moins accroché aux deux autres, mais "des goûts et des couleurs" ... on pourra peut-être discuter si ce recueil tente des lecteurs !

Nicole

Le ver dans la pomme

Auteur : John Cheever (1912-1982)

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Dominique Mainard
Editions Joëlle Losfeld

Très bel objet vert pomme et magnique recueil rempli de nouvelles acidulées, ironiques, fantaisistes et drôles (penser à se vider la vessie avant Un garçon à Rome, vous êtes prévenus !).

Qu'ils soient en vacances, dans leur quotidien ou sur le long fil tendu de leur vie, en Amérique ou en exil en Italie, les personnages vont et viennent, essaient de comprendre le ressort de leur existence et trouver les réponses aux questions que la vie leur pose, sans souci pour le photographe Cheever qui les traque sans relâche. Celui-ci garde une distance respectueuse, empreinte de tendresse et d'humour.

Et moi, comment m'aurait-il croquée ?

Isabelle

Toba Tek Singh et autres nouvelles


Auteur : Saadat Hasan Manto

Traduction de l'ourdou par Alain Désoulières
Editions Buchet Chastel

Si j'en crois le commentaire que Michel a laissé à propos du livre d'Annie Proulx, Les pieds dans la boue, la lecture de Toba Tek Singh n'est pas recommandée le dimanche soir, au moment où un bourdon tenace s'installe à l'idée de reprendre la semaine, ni en période de météorologie obstinément maussade. J'ai donc attendu d'être hors de portée des nuages costarmoricains pour fourrer le nez dans ce volume consacré à l'Inde. Quelle liberté de ton, quelle audace ! Je comprends que Manto fût inquiété par la censure. Beaucoup de nouvelles traitent des relations entre hommes et femmes. La plume de Manto fait mouche sans coup férir et chacun est passé au rayon laser. L'auteur consacre encore plus d'énergie au drame de la partition entre l'Inde et le Pakistan en 1947. L'écrivain est en première ligne pour nous témoigner comment les vies sont broyées et comment l'homme massacre l'homme.

La nouvelle a cela de remarquable qu'on peut y supporter des récits qui seraient insupportables si l'on avait le temps de s'attacher aux personnages.

Grâce à ce livre, j'ai découvert un pays, un morceau d'histoire de ce pays à travers des destins personnels puissants ou banals. J'ai été très touchée par le style de Manto, sa lucidité, son courage devant l'horreur et le désespoir. Je me suis attachée à cet auteur, si bien que, comme pour Laurie l'Américaine des nouvelles policières et l'Italien Mario Rigoni Stern dans son merveilleux livre Sentiers sous la neige, parvenir à la dernière page m'a causé une petite peine.
Merci, l'Ensemble vocal !

Isabelle

Sentiers sous la neige


Auteur : Mario Rigoni Stern (1921-2008)

Traduction de l'italien par Monique Baccelli
Editions 10/18
Collection Domaine étranger



C'est Alain qui m'a conseillé cet auteur. Ah, cet Alain…, j'ai pleuré à la fin de quasiment toutes les nouvelles du recueil. Pleuré d'une émotion particulière, profonde, grave et recueillie. Exceptée la première, chaque nouvelle est une variation sur le paradis terrestre de l'homme qu'est la nature, ou plutôt sur la relation harmonieuse de l'auteur avec la nature, cette nature et ce pays lui procurant la félicité. Mario Rigoni Stern ne parle que très peu de lui. Il écrit sur la nature qui l'entoure et sa manière si personnelle de raconter m'a fait éprouver une nostalgie très profonde. Comme si je me rappelais que j'avais, il y a longtemps, moi aussi vécu en harmonie avec les arbres et les animaux. À part dans les nouvelles 2 & 3 qui m'ont semblé plus anodines, j'ai eu constamment l'impression d'être à côté de l'auteur, dans son intimité, ses découvertes, ses pérégrinations, dans la chaleur de son humanité. Qu'il parle des noms des différents états de la neige, du petit oiseau recueilli, nourri et caressé, des deux chiens errants, il porte le regard d'un homme sage, humble, en accord avec lui-même et les autres. La paix qui se dégage de cet homme est si bienfaisante ! Elle rayonne par-delà les kilomètres, le temps et l'absence.

Le 3e personnage du livre -et le pendant de la paix- est la guerre. Après la félicité de la nature, la guerre se présente comme le visage hideux de l'enfer. La première nouvelle est un monument d'héroïsme sans tambour ni trompette, de miracle d'une détermination sans faille. Elle m'a laissée bouleversée et pantelante.

J'ai évidemment maintenant envie d'aller découvrir les Dolomites, Asiago et ses environs. Mais la qualité de présence, la conscience et l'éveil qui irradient cette écriture ne sont pas le seul fait d'un lieu mais plutôt celui d'un homme de l'ancien monde, un homme véritablement hors du commun.

Isabelle

http://www.telerama.fr/livre/mario-rigoni-stern-le-soldat-qui-lisait-dante,30532.php

http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-rigonistern.html

http://www.initiales.org/visuels/pdf/rigoni.pdf

http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20080618.BIB1539/mario-rigoni-stern-un-grand-d-italie.html

La trempe

Auteur : Magyd Cherfi

Editions Actes Sud

Impossible de ne pas encourager la lecture de ce bel objet à la couverture jaune que traverse de gauche à droite Magyd Cherfi en jean fatigué, baskets et blouson noir. Démarche déterminée mais expression à la fois méfiante, agressive et désabusée.

Le jaune est un authentique jaune cocu rappelant que France a confisqué l'horizon de ses ressortissants d'origine arabe. Le manque de reconnaissance et de respect fait des ravages, emprisonne, étend la pauvreté.

Sur ce jaune grimace un mot rouge saignant, la trempe. La trempe est une gifle donnée sur la joue avec la main ouverte, une gifle très violente, inoubliable d'humiliation.

Les récits, avec leur écriture saccadée, énergique, violente et âpre, m'ont fait ressentir physiquement les entraves quotidiennes de la pauvreté, de la ghettoïsation, du manque de respect et de considération. Ce livre m'a fait étouffer en me mettant sous le nez la situation de certains de nos concitoyens.

Bravo à Magyd Cherfi d'avoir su briser ses chaînes personnelles et donner cette œuvre si forte et si expressive. Qu'elle permette de rapprocher les frères, de porter sur chacun un regard respectueux et digne.

Merci Alain et Odile, car je suis sûre que je n'aurais acheté ce livre tant la couverture résume la difficulté de s'extirper du piège, tant il faut se débattre pour survivre dans la France de "l'identité nationale".

Isabelle

L'heure exacte


Auteur : Norman Manea (1936-)

Traduction du roumain par Alain Paruit, André Vornic, Marie-France Ionesco et Odile Serre
Editions du Seuil
Collection Fiction et compagnie (que ce choix de collection est étrange pour ces récits autobiographiques !)

Ce livre est sorti dans le courant de l'automne 2007. Je ne l'ai pas encore lu mais en ai entendu grand bien. Voilà la présentation qui en est faite :
L'Heure exacte esquisse l'impossible retour à la vie après l'expérience de la déportation. Jamais Norman Manea n'oubliera son enfance passée dans les camps de Transnistrie, son "initiation" à l'horreur, à la peur, à la mort, à l'innommable enfin. L'écriture est pourtant un exutoire par où s'épanche cette blessure qui ne cicatrise pas, un palliatif au bonheur obligatoire sous le régime du clown des Carpates, puis à la douleur du déracinement, de l'exil. Une écriture dense et pudique qui fait la part belle à l'image et à la métaphore, touchant à l'onirisme et à l'hallucination : comme si le petit déporté était désormais incapable d'appartenir au réel et de réintégrer la vie.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Norman_Manea

La circulaire et autres racontars

Auteur : Jørn Riel

Traduction du danois par Suzanne Juul et Bernard Saint Bonnet
Edition : 10/18
Collection Domaine étranger

A la lecture des autres volumes de racontars, il me semblait que ces inoubliables trappeurs avaient trouvé LA manière d'arrêter le temps et son œuvre destructrice. Il n'en était rien. Dans ce volume, les hommes basés dans le nord-est du Groenland sont contraints de quitter leurs stations de l'Arctique. Jorn Riel nous met dans l'intimité de la réaction de chacun, de la nouvelle trajectoire qu'il donne à sa vie, rebondissement, bifurcation, révélation ou extinction. Malgré l'omniprésence de la cocasserie dans l'écriture, j'ai ressenti à quel point l'inéluctable départ était lourd. Ce volume m'a ramenée à la réalité, me rappelant que la littérature ne doit pas être un refuge d'où l'on évite de porter un regard sur le monde. L'Arctique se modifie en effet très vite et le niveau des glaces n'a jamais été aussi bas. Jørn Riel m'a demandé de ne pas faire l'autruche.

M'étant inscrite au Huitième Symposium mondial de musique chorale, j'avais glissé en juillet 2008 ce livre dans ma valise pour le Danemark. Je ne savais pas qu'il y était question de Copenhague où je passais une semaine. Un matin, installée pour lire dans le parc d'Orstedsparken, je lus le dernier racontar où il est fait mention du baiser d'Anton et de la grande fille rousse, baiser si voluptueux qu'il fait perdre l'équilibre au garçon. Je découvris de même la rue Stroget quelques heures après l'avoir rencontrée dans les pages. Et enfin, j'allai un jour au musée où je vis des bustes du sculpteur Carpeaux, dont celui de Marcellin Berthelot. Le collège de mon adolescence en Région parisienne portait son nom et je n'avais jamais su qui était cet homme. Le soir même de ma visite, j'en lus page 138 une courte notice. Quelle étrange sensation que celle d'être en phase temporelle et géographique avec ce livre. D'avoir les réponses à mes questions, il me semblait que j'étais à la bonne place et au bon moment. C'était terriblement excitant et presque inquiétant.

Pour finir, pouvez-vous lire en urgence ce qui arrive à Mads Madsen et me donner vos impressions ?

Isabelle

Ange

Auteur : Harold Brodkey (1930-1996)

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer
Editions Grasset

Je garde un souvenir inoubliable de ce livre assez difficile à lire mais absolument passionnant. Harold Brodkey a été un enfant malheureux, hyper sensible, écorché vif et quasi autiste. Sa mémoire a tout enregistré, seconde par seconde, microseconde par microseconde. Enfermé dans sa vie, son corps, son cerveau et sa sensibilité hors du commun, cet enfant a dû attendre la délivrance de l'écriture pour rentrer en contact avec ses semblables. Au prix d'un intense effort de communication, d'adaptation au monde, il nous fait le cadeau de sa perception du temps. Etirée à l'infini, chaque seconde est un gouffre sans fond. Chaque battement de cil, chaque regard, un univers. Tout étant ressenti avec une intensité sans égal, les faiblesses humaines, les défaillances sont autant de blessures purulantes. La nouvelle sur l'expérience de l'ange m'a captivée par son contenu et la lenteur de sa progression. J'ai lu ce recueil il y a maintenant plus de deux ans et j'ai des passages entiers dans ma mémoire. Quelle expérience unique !


C'est pas la fin du monde

Auteur : Kate Atkinson

Edition : Livre de poche

J'ai lu ce recueil alors que j'étais en Nouvelle-Calédonie l'été 2007 pour le stage de direction de chœur. J'ai ressenti une euphorie à la lecture, une grande joie malgré le désespoir contenu dans la plupart des nouvelles. Liberté, décalage, créativité, cocasserie. Je recommande vivement ce recueil qui traite d'une manière très distanciée sans être froide de la complexité des rapports humains, des liens entre parents et enfants, de la difficulté à communiquer, échanger, se comprendre.
Après la lecture de chacune des nouvelles, j'ai écrit un petit commentaire, à chaud. Je les transcris ici :

Charlène et Trudi font du shopping : Nouvelle complètement loufoque qui m'a mise mal à l'aise par la superposition entre la guerre et l'obsession d'inventaire des deux filles. Elles veulent ignorer la situation et j'ai ressenti une certaine forme de folie. Il m'a fallu du courage pour continuer le recueil. Après, je n'ai plus décollé du bouquin.

Tunnel de poissons : Extraordinaire nouvelle sur le manque de confiance en soi, la difficulté de dire à ses enfants qu'on les aime. Humour décapant, provoquant. Dérision malgré le désespoir. Ecriture revigorante, pleine d'une énergie de vie sans limite.

Fiction transparente : Il y a un rapport évident avec un mythe, mais lequel ? Encore une histoire loufoque et délirante. Beaucoup d'allure dans l'écriture. Cela ne ressemble à rien que je connaisse.

Dissonances : Magnifique nouvelle sur deux jeunes complètement paumés que l'accident grave pour l'un et le secours à autrui pour l'autre vont ramener à la question essentielle du sens de la vie et de la réalité. Sur fond du Quatuor des dissonances de Mozart. Une ovation pour le concert, l'écriture, la rythme, l'émotion donnée à la fin.

Un grand gâchis d'amour : Effroyable nouvelle sur un souteneur déguisé en père de famille respectable qui violente son fils et sa mère prostituée, quand ceux-ci se présentent à lui. A la mort du père de la honte, Addison se rend compte qu'il valait mieux être éloigné de cet être immonde, quitte à vivre dans la pauvreté et en orphelinat.

Traduction à vue : Encore une nouvelle sur les relations dégradéesdes parents séparés avec leur enfant. Le petit garçon a été confié à une nourrice qui entend lui donner une éducation irréprochable et beaucoup d'instruction culturelle. Il est comme un adulte. Il exprime un jour son besoin de rester avec sa nourrice car ses parents semblent ne pas faire cas de son existence. Je suis ressortie de là avec un poids certain de tristesse.

Sosies malveillants : Il faut aller voir du côté des Grecs, du Styx, du Léthé. On verse dans le fantastique. Froid dans le dos.

La maîtresse du chat : Etant insensible au fantastique, cette nouvelle ne m'a pas beaucoup plu. J'aime que l'écriture s'inscrive dans la réalité.

Le corps comme un manteau : Superbe et très émouvant, bouleversant même, malgré le grotesque des situations et l'ironie de l'écriture. J'ai pleuré à la fin et eu immédiatement envie d'écrire à Ani : Quel est le sens de notre vie ? Que faisons-nous sur Terre ?

Anomalie temporelle : Nouvelle unique qui nous donne à voir l'impossibilité de l'âme morte de séloigner de la Terre. L'entité reste auprès des siens. Elle réintègre finalement sa vie terrestre et c'est, à mon avis, là la partie la plus faible.

Accessoires de mariage : Tout à fait décapant, complètement désespéré. Déprimant et revigorant à la fois ! Comment est-ce possible ? Il s'agit là de la nouvelle solitude de Pamela suite au départ de la maison de ses deux enfants. Divorcée depuis belle lurette, elle est entraînée par sa copine dans une calamiteuse aventure de fabrication de merdouilles de mariage. Cette nouvelle est en relation avec la n°4, "Dissonances" ainsi qu'avec la précédente. Dans ce recueil, les nouvelles tissent des liens ténus ou plus solides les unes avec les autres. Je suis très sensible à ce souci de la forme générale du recueil.

Pleasureland : On termine comme on a commencé, avec Charlène et Trudi. La situation a évolué depuis le début du livre, a évolué en se dégradant. Charlène et Trudi sont enfermées dans leur appartement-tombeau. Voici une société dans laquelle on ne s'occupe plus des personnes malades ou en passe de l'être. Il faut vendre. Charlène et Trudi se réconfortent en énumérant des listes de biens de consommation. Elles semblent ne pas être trop déprimées et elles subissent leur sort avec une certaine soumission. Ce n'est pas la fin du monde mais leur fin à elles.

Les nouvelles de ce recueil s'organisent selon la forme musicale très connue ABA' ou encore forme en arche. Pendant qu'on lisait les nouvelles centrales, le temps a aussi passé pour les autres, nul n'est resté figé, des événements se sont déroulés. Ce livre a un rapport au temps singulier et passionnant.

Isabelle

Dessine-moi un coq

Auteur : Spôjmaï Zariâb (1949-)

Traduction du persan (Afghanistan) par Didier Leroy
Editions de l'aube


Recueil de nouvelles de l'une des seules femmes écrivains d'Afghanistan. Cette femme vit maintenant en France. J'ai été touchée par la force des "témoignages" et leur valeur, mais beaucoup moins par l'écriture que j'ai trouvée lourde à certains moments. La traduction  est-elle à la hauteur ? Une nouvelle m'a particulièrement plu, celle où il est question d'un chanteur français, Georges Brassens il me semble.

Mais quelle incroyable volonté, quel incroyable courage faut-il aux femmes pour écrire dans ce pays ! Entre 1996 et 2001, sous le régime des talibans, de jeunes Afghanes se réunissaient en secret dans la ville d'Herat pour apprendre et écrire. Depuis, deux ont connu une mort violente, comme la poétesse Nadia Anjuman, battue à mort par son mari en 2005. Il est resté un mois en prison.

Isabelle

http://www.biblioblog.fr/post/2007/11/07/724-dessine-moi-un-coq-spojmai-zariab

http://www.etonnants-voyageurs.com/spip.php?article142

http://www.babelio.com/auteur/Spozmayi-Zaryab/192313

Histoire universelle de l'infamie

Auteur : Jorge Luis Borges (1899-1986)

Traduction de l'espagnol par Eduardo Jimenez
Editions 10/18 ou édition bilingue Langues pour tous

Parce qu'il s'appuie sur des documents préexistants vrais ou fictifs, voici un livre singulier qui ne cesse de flirter avec la supercherie, le mensonge et les faux-semblants. Le titre m'a longtemps fait peur et bien que ce recueil soit le préféré de Christophe, j'ai mis très longtemps à m'y plonger. On cotoie des canailles de toutes espèces dans ces nouvelles passionnantes par l'originalité de leur sujet et de leur écriture. Jorge Luis Borges nous agrippe par le sens de la formule - "C'était un individu d'une sottise paisible. En bonne logique, il aurait pu (et dû) mourir de faim."- et par une certaine désinvolture très élégante. Par la poésie, par son talent pour raconter à l'emporte-pièce et encore ouvrir des tiroirs, découvrir des abîmes. Son érudition est légère, virevoltante, étourdissante.

J'ai depuis longtemps dans ma bibliothèque un livre intitulé Le mythe des 47 rônins. Jamais ouvert. La nouvelle L'incivil maître de cérémonies, Kotsuké no Suké relate précisément  l'histoire de ce livre et me donne la grande envie d'enfin aérer ses pages.

Voilà encore un paradoxe. Ce livre se lit vite. Sitôt lu, il donne l'envie de recommencer pour comprendre ses secrets littéraires. Les deux préfaces sont des petites perles.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jorge_Luis_Borges

http://www.franceculture.fr/oeuvre-histoire-universelle-de-l-infamie-de-jorge-luis-borges.html

Idylles

Auteur : André Dhôtel (1900-1991)

Edition : Folio

Je me suis régalée à lire ces nouvelles parlant toutes du premier amour. Cela fait maintenant longtemps que j'ai lu ce recueil mais j'en garde un souvenir ému. Un plaisir intense grâce à la poésie, la noblesse de l'écriture, la finesse des sentiments. Il me semble me rappeler qu'il y a toujours un rapport très fort avec la nature. On voit les paysages, on baigne dans ces endroits. Cela m'a donné une grande envie de visiter les lieux où se passent ces histoires. Je me rappelle de la chaleur ressentie lors de la lecture de la nouvelle située en Grèce, la blancheur des murs. J'ai eu l'impression que j'avais fait un voyage en Grèce, que je connaissais ce pays où je ne suis pourtant jamais allée.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Dh%C3%B4tel

http://www.andredhotel.org/biographie.html

http://www.fichesdelecture.com/auteur/biographie/325-andre-dhotel/

Lâchons les chiens

Auteur : Brady Udall (1971-)

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Michel Lederer
Editeur : 10/18


Un éblouissement ! Quelle force dans l'écriture, quelle énergie malgré le désespoir, la laideur, la médiocrité. J'ai ressenti de la jubilation à lire ces nouvelles. Il faut que je les relise d'ailleurs car cela fait trop longtemps et je ne peux pas faire ce soir de commentaires plus fouillés. Je garde seulement le souvenir de cet immense plaisir à découvrir cet auteur américain. Le titre est excellemment bien choisi, qui rend compte de la vigueur et de la liberté de ton.

Isabelle

http://www.babelio.com/auteur/Brady-Udall/6839

http://fr.wikipedia.org/wiki/Brady_Udall

http://littexpress.over-blog.net/article-25479232.html

http://marecages.be/2011/09/lachons-les-chiens-brady-udall/

http://www.dailymotion.com/video/xfarb5_brady-udall-lachons-les-chiens_news

La clé de la chapelle est au café d'en face

Auteur : Yvon Le Men (1953-)

Edition : Flammarion

Un petit bijou écrit il y déjà plus de 13 ans par notre poète local, régional, national, Yvon Le Men. Je l'avais rencontré en Bretagne sud lors d'une soirée organisée par le camping EDF dans lequel nous avions installé la caravane en 1983. Le genre de soirée difficile pour lui, avec des individus vaguement intéressés par la poésie, voire très vaguement. J'avais été subjuguée par les poésies choisies et la manière de les dire. J'avais un peu parlé avec lui à la fin de la soirée et il avait parlé de Lannion, déjà Lannion... Il avait évoqué Maria Prat, figure locale, elle et sa maison sans eau ni électricité sur l'escalier de Brélévenez. L'été 2007, après L'inconnu me dévore, extraordinaire spectacle sur Xavier Grall dans lequel il a récité Solo, je lui ai rappelé cette fameuse soirée.

Ce recueil de nouvelles délicieuses me fait penser à tout cela, à mon attachement si fort à la Bretagne, à ses chapelles et à ses habitants.

Isabelle

http://remue.net/cont/ylemen.html

http://bretagnelivres.canalblog.com/archives/2010/10/06/19255280.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Yvon_Le_Men

http://calounet.pagesperso-orange.fr/resumes_livres/lemen_resume/lemen_clef.htm

La Colère des aubergines

Auteur : Bulbul Sharma

Traduction de l'anglais (Inde) par Dominique Vitalyos
Editions Picquier


Un délice pour les sens et la tête. Je suis ravie que ce recueil fasse partie de la liste des Incontournables. Quel humour ! Mais l'humour fait passer avec légèreté des idées d'une grande profondeur et d'une extrême gravité. C'est le titre qui m'a fait choisir un jour ce livre dans notre librairie préférée, j'ai nommé Gwalarn. Et c'est à partir de ce livre délectable que j'ai imaginé des retrouvailles autour des nouvelles.

Isabelle

La garden-party et autres nouvelles

Auteur : Katherine Mansfield

Traduction de l'anglais par Françoise Pellan
Editions Folio classique



Parce qu'il s'agit d'un livre plein de douceur, fragilité, compassion, de peur aussi, peur de la fugacité, de la maladie, de la mort, je ne sais comment commencer ce commentaire sans être un éléphant dans un magasin de porcelaine. La plupart de ces nouvelles m'ont très profondément touchée, certaines durablement bouleversée. Katherine Mansfield a une façon tout à fait particulière de s'approcher de ses personnages, de dévoiler leur intimité, leur humanité, leurs faiblesses. Il me semble que je ne pourrai jamais oublier la lecture de La Baie, Les Filles de feu le colonel, Monsieur et madame Colombe, Mariage à la mode, Son premier bal, oublier leurs détails, leurs couleurs qui transpercent. Frémissements, élans réprimés, renoncements, rêves enfouis, désirs étouffés ; chacune de ces impasses nous questionne sans ménagement, chacune inonde de sa lampe-torche nos visages mis à nu et nos coeurs qui saignent sans bruit.

Isabelle

La guerre est déclarée et autres nouvelles

Auteur : Annie Saumont (1927-)

Edition : Flammarion

Quel regret d'avoir mis ce chef-d'oeuvre dans la liste 3 ! Quelle frustration ! Je voudrais tant que vous lisiez cette perle. Je crois n'avoir jamais lu une écriture aussi construite, aussi millimétrée, aussi concise, aussi chirurgicale, aussi dense et forte. Il m'a fallu lire et relire pour arriver à pénétrer l'intelligence de cette écriture et ne pas être laissée de côté après avoir zappé une phrase. Cette écriture ne supporte en effet aucune seconde d'inattention. Mais j'ai également lu et relu pour profiter et profiter encore du plaisir immense de cet art littéraire immense.

Je me suis sentie plus vivante à la fin de chacune des nouvelles, vivante et grave. Et souvent terriblement émue. De grâce, mettez cette oeuvre dans votre liste prioritaire !

Isabelle

PS : Je profite de l'occasion pour recopier ces mots d'un universitaire à propos de la définition d'un nouvelliste :
  • […] ici la brièveté, la concision et l’esprit qu’il met à présenter un scénario en vue de sa pointe finale. L’art du novelliste au contraire fait la part belle à l’écrivain puisque ce qui importe est désormais moins l’histoire que la manière de la raconter.  (Alain Montandon, L’Anecdote, page 221, 1991, Presses Univ. Blaise Pascal)

http://aperto.libro.over-blog.com/article-annie-saumont-la-guerre-est-declaree-et-autres-nouvelles-63670921.html

http://www.babelio.com/auteur/Annie-Saumont/3950

http://fr.wikipedia.org/wiki/Annie_Saumont

L'amour au pied des pyramides

Auteur : Naguib Mahfouz (1911-2006)

Traduction de l'arabe (Egypte) par Richard Jacquemond
Editions Actes Sud
Collection : Babel


De sujets très divers, de styles variés, ces nouvelles témoignent toutes d'un art affirmé de conteur. J'ai eu plusieurs l'impression d'être assise sur un tapis et d'écouter Naguib Mahfouz, mi érudit, mi ensorceleur, entouré de musiciens et de serveurs de loukoums et de thé à la menthe. J'avais commencé ce recueil de nouvelles de nombreux mois auparavant et m'étais arrêtée, mal à l'aise, perturbée, après la lecture de la nouvelle très violente Sous l'abri du bus. Il m'a donc fallu revenir à ce livre. La deuxième fois fut la bonne et je me suis régalée en parcourant la nouvelle des deux amoureux à la recherche désespérée d'un logement et d'une solution pour leurs amours, L'amour au pied des pyramides, ou encore celle sur la femme chef de bande, Les amants. Naguib Mahfouz a reçu le prix Nobel de littérature en 1988.

Isabelle

http://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature-etrangere/lamour-au-pied-des-pyramides-0

http://fr.wikipedia.org/wiki/Naguib_Mahfouz

http://www.afrik.com/article4642.html

L'artiste et autres nouvelles

Auteur : Andrée Chédid (1920-2011)

Editeur : Librio

Je suis en train de lire ce recueil qui ne me convainc pas vraiment pour l'instant. L'écriture me semble plate et ennuyeuse, les histoires convenues. Qui a lu et peut me remotiver ?

Beaucoup plus tard : Hormis les deux nouvelles autobiographiques qui parlent du père de l'auteur et du pot de violettes, ce recueil m'a souvent ennuyée et parfois agacée. L'écriture m'a semblé artificielle, peu inspirée et donc lourde. Les scénarios n'évoluent pas ou si peu et l'on a déjà au début du récit l'ensemble du propos, cette inertie donnant une désagréable impression d'impuissance. C'est le titre qui m'a fait choisir ce recueil. La première nouvelle, éponyme, est celle qui m'a sans doute le plus déplu. Cependant, j'ai perçu la grâce annoncée dans la présentation du livre dans les deux nouvelles évoquées plus haut. Lisez la magnifique sur le père de l'auteur, lisez celle sur ce petit pot de violettes ! J'ai hate d'avoir vos avis.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9e_Chedid

http://mondalire.pagesperso-orange.fr/chedid.htm

http://www.biblioblog.fr/post/2006/12/22/401-l-artiste-et-autres-nouvelles-andree-chedid

http://www.franceculture.fr/oeuvre-l-artiste-et-autres-nouvelles-de-andree-chedid

http://viens-lire-avec-moi.skyrock.com/2943207413-L-artiste-et-autres-nouvelles-de-Andree-Chedid.html

Les pieds dans la boue

Auteur : Annie Proulx (1935-)



Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Anne Damour
Editions Rivages

J'ai raffolé de ce bouquin, j'ai dévoré les nouvelles les unes après les autres, malgré le profond désespoir dont elles témoignent. Mais l'énergie de l'écrtiure m'a donné l'énergie de poursuivre la connaissance des habitant du Wyoming. J'ai eu l'impression d'aller à la rencontre d'une population du bout du monde, de serrer des mains d'individus. J'ai voyagé mais pas en tant que touriste, en tant que citoyenne du globe.

Seule la première nouvelle m'a déçue, celle qui a donné lieu à ce film magnifique, Le Secret de Brokeback Mountain. J'avais déjà vu le film et c'est ce film qui m'a donné envie d'achter le livre. J'ai trouvé que les adaptateurs avaient fait un travail magique de développement et de créativité à partir de cette nouvelle qui esquisse juste quelques personnages.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Annie_Proulx

http://eireann561.canalblog.com/archives/2006/05/16/1888335.html

http://www.liberation.fr/livres/0101371139-annie-proulx-les-pieds-dans-la-boue

Les Roses d'Atacama

Auteur : Luis Sepúlveda (1949-)

Traduit de l'espagnol (Chili) par François Gaudry
Editeur : Métailié

C'est le cas de celui-là mais le prix n'est rien, comparé au trésor de ces courts écrits. Merci ma chère Ani pour cette révélation ! On ne peut pas vraiment parler de nouvelles. Encore un petit bijou d'humanisme sur l'humanité, la douleur de l'exil, la fragilité de la planète. A lire en urgence.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Luis_Sep%C3%BAlveda

http://www.asso-chc.net/article.php3?id_article=169

http://www.bibliomonde.com/livre/roses-atacama-les-304.html

L'Homme qui ne mentait jamais

Auteur : Lao She (1899-1966)

Traduction du chinois par Claude Payen
Editions Picquier

Ce livre faisant partie de la liste originelle des recueils de nouvelles, je me suis attelée à sa lecture. Voilà ce que j'en écrivis quelques mois plus tard, alors que je n'avais pas réussi à le terminer : "Il faut que je le relise mais j'en garde un souvenir un peu laborieux. Des histoires dures, une écriture souvent peu flatteuse. Certaines nouvelles m'ont mises très mal à l'aise, notamment celle sur le rapt de l'enfant. Cette grande violence m'a écœurée. Qui a déjà lu ce recueil ? Vos commentaires vont m'aider à me replonger dedans."

La dernière phrase de ce premier commentaire bâclé fut prémonitoire. Christophe lut le livre et écrivit l'un de ses plus beaux commentaires. Il me toucha tant que j'achetai sur le champ trois livres de Lao She, livres qui figureront dans la rubrique "romans-fleuves" quand je les aurai lus.

Je viens de relire L'homme qui ne mentait jamais. Littéralement portée par Christophe (dont c'est d'ailleurs la mission biblique), j'affrontai ma peur, me passionnai pour ce recueil et compris mes réticences primitives.
Ce livre contient des nouvelles écrites entre 1934 et 1937, période durant laquelle la Chine fut dirigée par un gouvernement nationaliste sous l'autorité de Chiang Kai-shek, et où l'expansion japonaise sévit. Par la description de la vie si effroyablement dure, ce livre m'avait renvoyée au traumatisme du film Cinq filles et une corde vue à sa sortie, en 1991. J'avais alors réagi de manière très forte à la projection. Lao She utilise une écriture souvent distanciée, sarcastique, ou tout simplement froide, pour nous faire prendre connaissance de certaines situations insupportables : l'enfant-otage (Notice nécrologique), la jeune fille vendue par son père misérable à deux maris rustres et brutaux (Ménage à trois), la jeune fille sacrifiée par son frère (Vieille tragédie pour temps modernes) etc. Ce style m'a renvoyé, sans que j'en prenne tout d'abord conscience, à l'écriture cinématographique sans complaisance du réalisateur Yeh Hung-Wei. Les pauvres, les enfants et les femmes sont, comme dans toute société en grande difficulté, les plus mal lotis. Lao She ne ménage pas les étudiants, incapables d'une action constructive, et certains hommes d'âge vénérable, empêtrés dans les préceptes confucianistes. Voilà une société à la dérive, d'une violence inouïe. Merci Christophe, de m'avoir permis d'affronter ces récits urgents. 

Saint Christophe
par Dirk Bouts le Vieux
(Ancienne Pinacothèque, Munich)





Nouvelles africaines, tome 2 : L'hiver en juillet

Auteur : Doris Lessing (1919, Perse-)

Traduction de l'anglais par Marianne Véron
Edition : Le Livre de poche

J'ai beaucoup beaucoup aimé ces nouvelles qui m'ont donné l'impression d'une profonde honnêteté, d'un très grand respect des humains, d'une immense connaissance du continent africain. L'auteur prend le temps d'installer et développer les histoires. Elle donne à voir la complexité des situations, l'impossibilité de résoudre les problèmes posés avec des idées toutes faites. Nul manichéisme, nulle démonstration. Et quelle magnifique écriture ! Solidité et élégance. Doris Lessing fait appel à l'intelligence et à la sensibilité.
La traductrice doit également être mentionnée et applaudie. Cela fait des mois que j'ai lu ce livre et j'en garde des souvenirs très précis, de la gratitude et l'impression d'être moi-même allée en Afrique.
Doris Lessing a reçu le prix Nobel de Littérature en 2007, comme Jean-Marie Le Clézio l'année d'après, je crois. Pensez-vous que le jury du Nobel a consulté notre liste ?

Nouvelles du coeur

Auteur : Paul Morand (1888, Paris-1976, Paris)

Edition : Gallimard

C'est en effet le livre le plus cher de la liste (plus de 21 euros) et je ne l'ai pas encore lu, contrairement aux Nouvelles des yeux qui m'ont beaucoup plu, mêlant écriture et récits originaux, documentés, inspirés. Qui a lu les Nouvelles du coeur ?

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Morand

http://calounet.pagesperso-orange.fr/biographies/morand_biographie.htm

Nouvelles orientales

Auteur : Marguerite Yourcenar (1903, Bruxelles-1987, Bangor, Etats-Unis)

Edition : Gallimard
Collection : L'Imaginaire


Quel livre superbe ! Certains récits font référence à des récits précédents. L'écriture elle-même paraît orientale. Grande originalité et grande noblesse. Grande classe. Les personnages sont empreints d'une allure et d'un mystère inoubliables.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_Yourcenar

http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelles_orientales

http://littexpress.over-blog.net/article-marguerite-yourcenar-nouvelles-orientales-63079515.html

http://annbourgogne.wordpress.com/litterature/legende/nouvelles-orientales-de-marguerite-yourcenar/

http://www.magazine-litteraire.com/content/rss/article?id=21062

Petits contes de printemps

Auteur : Natsume Sôseki (1867, Edo-1916, Tokyo)



Traduction du japonais par Elisabeth Suetsugu
Editions Picquier

J'ai acheté ce livre à Nantes où j'encadrais un stage de direction de chœur pour des enseignants. Aucun problème avec les stagiaires mais une irréductible difficulté relationnelle avec la seconde formatrice. Le premier soir, je me suis réfugiée dans une librairie et j'ai été attirée par la couverture magnifique de ce livre, couverture sur laquelle figure une peinture représentant des iris bleus. Ce sont mes fleurs préférées. La lecture de ce livre m'a alors véritablement enchantée. Le lendemain, je me suis réfugiée dans le musée des beaux-arts. Ces retraites n'ont pas suffi car alors que Michel est venu me chercher avec nos filles pour nous rendre au Futuroscope tous les cinq, j'ai interrompu plusieurs fois le trajet pour une raison qu'il sera plus agréable aux lecteurs de laisser floue.

L'été 2007, j'ai emporté ce livre en Nouvelle-Calédonie, d'autant plus que je comptais m'arrêter une journée à Tokyo au retour. Ce livre m'a beaucoup plu à nouveau, mais j'ai moins apprécié certains des récits (On ne peut peut-être pas employer le terme de nouvelles) qui m'ont paru un peu flottants ou inconsistants. L'ensemble m'a paru cependant superbe, qui donne une attention et un poids à de toutes petites choses. Certains récits nous transportent au coeur du Japon du début du 20e siècle.

J'ai encore repris ce magnifique recueil avant notre rencontre littéraire de l'automne 2010. Et j'ai été une nouvelle fois subjuguée par la subtilité des récits. Le premier est inoubliable qui raconte un certain 1er janvier et une scène qui ridiculise l'auteur. Un autre ne cesse de nous faire grelotter. Et ce froid est aussi intense que poétique. Un autre encore nous met au coeur de la vie familiale. Les enfants se déguisent. Ce fait insignifiant est offert avec une sensibilité et une douceur ineffables, un sens de la couleur et du visuel extraordinaires, un sens de la scène, du théâtre, de la dramaturgie. Ce recueil nous incite à nous poser, à regarder la beauté des choses autour de nous, à apprécier le profondeur des instants, à donner de la consistance à de toutes petites choses, à ne pas être les esclaves de la fugacité du temps. C'est magistral et délicieux. Quel magnifique et délicat voyage ! Merci, les éditions Picquier !

Isabelle

http://www.shunkin.net/Auteurs/?book=431

http://www.lecturissime.com/article-petits-contes-de-printemps-de-natsume-soseki-101265582.html

Printemps et autres saisons

Auteur : Jean-Marie Le Clézio (1940, Nice-)


Edition : Folio

J'avais lu ce livre il y a plus de 15 ans et en avais gardé un souvenir délicieux de soleil, d'impressions fugitives et de tristesse aussi. Je me rappelais de cette scène extraordinaire des deux amoureux sur le toit d'une maison en construction pendant la nuit. J'ai relu dernièrement les nouvelles de ce très beau recueil et j'ai été à nouveau touchée par la grâce, la sensualité et la force de l'écriture, les évocations du Proche-Orient, les odeurs, les sensations quasi physiques des saisons, la trace que laissent des histoires.

Isabelle

http://www.blogg.org/blog-91075-billet-1274693.html