“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

mercredi 17 novembre 2010

Histoire de la princesse de Montpensier

Auteur : Madame de Lafayette (1634-1693)

Editions Gallimard
Collection Folio
Notre actuel Président de la République avait, il y a quelques temps, mis au dégoût du jour la grande et fine plume de Mme de Lafayette en estimant suranné son merveilleux roman "La princesse de Clèves".
Aujourd'hui le Tavernier l'a remise au menu avec "La princesse de Montpensier", toile qui s'étire sur près de deux heures, ce qui représente une performance d'élasticité littéraire très remarquable pour les seules 44 pages format poche de l'oeuvre originale et pour produire finalement ce que je classerais, à l'instar du Canard Enchaîné, entre "on peut ne pas voir" et "on peut voir à la rigueur". Le jugement est personnel, évidemment, et ce nonobstant de magnifiques costumes, une Montpensier bien charmante (plus gironde, messeigneurs, à l'écran que l'illustration perlée ci jointe) et un Lambert Wilson aussi à l'aise dans le rôle d'un huguenot repenti que dans celui d'un prieur de Tibéhirine.
Ayant gardé depuis toujours une grande fascination pour Clèves, je me suis demandé pourquoi je ne retrouvais pas la magie du style dans les dialogues et les scènes de Montpensier.
Je me suis donc procuré ce petit volume. A 2€ chez folio pourquoi se priver ?
A l'évidence, vous aurez compris depuis le début, je le recommande plus que le film. Le lecteur lafayettiste impénitent retrouvera cette extrême concision dans l'expression des passions et de leur violence, ces phrases ciselées et balancées, l'usage merveilleux des verbes et de leurs conjugaisons. Et il gagnera environ une heure de sa vie et environ 5€ par rapport au tarif moyen des salles de cinéma.
L'histoire ? L'amour impossible, ils s'aiment, le découvrent peu à peu, ne peuvent s'en défendre, essayent de le cacher, n'y parviennent pas. La fin sera tragique, vous vous en doutez. Surtout pour elle. Parce que lui s'en tirera bien, nous sommes au seizième siècle évidemment.
Deux autres nouvelles accompagnent celle-ci. On peut lire la Comtesse de Tende pour le style ou s'arrêter là si on a autre chose à faire.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_de_La_Fayette

http://www.lafontaine.net/lafontaine/lafontaine.php?id=29

http://melisender.over-blog.com/article-la-princesse-de-montpensier-de-mme-de-lafayette-50147877.html

Dernier train pour Buenos Aires

Auteur : Hernán Ronsino (1975-)

Traduit de l'espagnol (Argentine) par Dominique Lepreux
Editions Liana Lévi

Dans la catégorie nouvelles mais un peu à la frontière du roman, disons "récits courts et intenses" comme l'indique le nom de la collection de ce petit livre, dont peu de gens connaissent l'auteur, Hernàn (accentuez vigoureusement sur le a de Hernàn) RONSINO, je propose à la collectivité de se plonger dans DERNIER TRAIN POUR BUENOS AIRES, titre dont j'avais relevé l'existence dans un supplément " Argentine" des pages littéraires du Monde, car Sophie et moi y partons prochainement pour y retrouver notre fille et souhaitions nous acculturer un peu avant le départ.

Le lecteur expérimenté y retrouva quelques ingrédients déjà goûtés dans " Les pieds dans la boue". Pas de futur, peu de passé hormis celui, non dit, des années de dictature. La pampa,la chaleur, trois copains dont on voit la vie s'étirer au rythme de séquences historiques que l'éditeur a pris soin de rappeler en fin de volume.

Et au centre de tout ça, la Negra Miranda aux jambes sublimes...mais là je n'en dis pas plus, à vous de découvrir l'horrible (eh oui, encore !) histoire dont l'auteur nous dévoile la clé à la fin en bon maître du genre.

L'éditeur, Liana Lévi se trouve aussi inconnu que son auteur, il vous fait payer les 90 pages au prix de 12 €, ce qui fait un peu cher à la ligne, mais c'est bien imprimé, le papier sent bon et en couverture vous avez les chevilles de la Negra Miranda.



dimanche 14 novembre 2010

Les Thibault

Auteur : Roger Martin du Gard (1881-1958)

Trois tomes
Editions Folio

Le premier roman-fleuve que notre blog soumet à votre choix est cette magnifique fresque des Thibault écrite par Roger Martin du Gard (1881-1957) qui a reçu le Prix Nobel de littérature en 1937. J'ai dévoré les trois tomes il y a environ trente ans, à une période ma vie où il fallait absolument que je lise des bouquins sur les deux guerres mondiales, que je m'approche au plus près de mes ancêtres. En fait, c'est moi qui fus dévorée, retournée comme une crêpe par ce chef-d'oeuvre de la littérature. Je l'ai relu il y a quelques années et l'éblouissement a de nouveau été total, profond, violent. Jacques et Antoine sont devenus mes cousins, mes frères décimés. Il m'a semblé vivre chaque scène dans ma chair, tant ce livre est vrai dans son témoignage historique et psychologique. Quelle émotion ! Quelle expérience !

Nous sommes aujourd'hui le dimanche 14 novembre, à la fin d'un long week-end qui a débuté avec le 11 novembre. Plus le temps passe, plus ces morts sont proches, le grand-père blessé de Michel, décoré de la bataille de Verdun, Edmond le frère de ma grand-mère Thérèse, mort le 13 août 1918, et les cinq frères Guyomard dont l'histoire a été relatée dans l'édition du Trégor de cette semaine et dont les trois soeurs sont en vain venues à la sous-préfecture de Lannion pour essayer de sauver le 5e, seul fragile et ponctuel survivant de la boucherie.
Les trois tomes des Thibault ne nous plongent pas dans les tranchées. Ils suivent la trajectoire de deux frères que tout oppose à partir de l'adolescence du plus jeune, Jacques. Ils nous plongent dans leur vie écourtée, nous font espérer de leurs espoirs, aimer avec leurs amours, nous révolter par leurs révoltes, pleurer les larmes de leurs pleurs.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Martin_du_Gard

http://www.evene.fr/celebre/biographie/roger-martin-du-gard-701.php

http://www.fichesdelecture.com/auteur/biographie/379-roger-martin-du-gard/

http://www.alalettre.com/martin-du-gard-oeuvres-les-thibault.php

http://www.fabula.org/colloques/document737.php

http://lalignedeforce.wordpress.com/2012/04/16/un-roman-les-thibault-de-roger-martin-du-gard-2/

Histoires sur un mode presque classique

Auteur : Harold Brodkey

Traduction de l'américain par Michel Lederer

Editions Grasset


Il semble bien que ce livre jusqu'alors épuisé soit à nouveau disponible. Quelle excellente nouvelle ! J'ai pour ma part commencé par lire ce premier tome (Ange étant le tome 2) qui m'a immédiatement subjuguée par l'originalité de son écriture à coeur ouvert. Aucun fard, aucun écran, aucune distance entre l'écrivain et le lecteur à qui il confie des pans entiers de son enfance et sa jeunesse, de son intimité, sa béance, son inadaptation à la vie. Harold Brodkey m'a parlé avec une telle confiance qu'il m'a bouleversée de fond en comble. J'ai l'impression d'être devenue son amie. Cet ami américain est mort des complications du SIDA le 26 janvier 1996 à Manhattan.

http://www.luxiotte.net/liseurs/livres2001a/brodkey.htm

Contes carnivores

Auteur : Bernard Quiriny (1978-)

Editions Points

http://livres.tv/video,bernard-quiriny,contes-carnivores,nx080519112237160.html

Deux semaines après la présentation aussi talentueuse qu'humoristique de Jean, tout d’abord bernée par une légèreté euphorisante, je me suis laissée entraîner au loin sans appréhension. Alors que je barbotais et folâtrais sans avoir pied, j'ai lentement été emportée par le courant souterrain et bientôt submergée par l'angoisse rampante de ce livre. Les questions actuelles cruciales y  sont reines : le tandem amour & mort, la bioéthique, le trio pollution, esthétique et morale, le geste et l’avant-garde artistiques. Dans ce recueil, on se fait volontairement assassiner et on expose le résultat sous prétexte d’acte artistique total. On jubile des catastrophes environnementales. On a deux voire trois corps facétieux. Ou encore une peau d’orange qu’on pèle pour un acte amoureux unique. Hormis quelques très courts textes concernant ce Pierre Gould surgissant ici et là sans crier gare, j’ai été très sensible à l’écriture dynamique et au style grinçant. Mais la légèreté est feinte et l’humour très noir. Le SIDA me semble rôder dans la nouvelle Sanguine, le clonage être tapi ça et là, certains courants artistiques dominants malmener la sensibilité comme la raison, la confusion être aussi totale que l’incompréhension entre les hommes qui intervertissent les mots, l’humanité devenir « sourde » et se délivrer de cette « absurdité » par une cuite à vie. On rit puis on tressaille. Une très belle découverte que ce livre mille-feuilles. Merci Sophie et Jean !
Isabelle

Vous trouverez grâce au lien suivant les émissions que France Culture a consacrées à Bernard Quiriny :