“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

mercredi 26 janvier 2011

Mes sacrées tantes

Auteur : Bulbul Sharma
 
Traduction de l'anglais (Inde) par Mélanie Basnel
Editions Picquier
Après La colère des aubergines, voici le deuxième recueil de nouvelles de Bulbul Sharma. On y retrouve son talent pour décrire les personnages et les relations à travers les habitudes et les faits plutôt que par une description psychologique classique. On y retrouve aussi cette société aux structures inter et intra-familiales rigides. Lorsque certains d'entre nous ont eu la chance et le plaisir de nous rencontrer, nous avons discuté de la distance et/ou de la proximité entre la société indienne et la nôtre ressenties à la lecture de ces récits. Cette fois, la distance m'est apparue plus grande que dans le premier recueil. Cela s'explique peut-être par le changement de fil conducteur : la vedette n'est plus la nourriture mais la jeune fille ou la mariée. Une seule nouvelle est centrée sur un personnage masculin, mais c'est pour mieux parler de son emprise sur sa mère, sa femme et sa fille. Je dois avouer que j'ai moins ri, mais nulle déception puisque j'ai retrouvé la belle qualité de présence des protagonistes, une impression de saisir l'essence des personnages comme s'ils étaient là ou racontés par quelqu'un de très proche.

J'ai aussi lu dans l'organisation du recueil une progression vers la modernisation et l'émancipation. D'abord, dans Une très jeune mariée, le mariage arrangé entre deux enfants ne tarde pas à déboucher sur une complicité de toute une vie. Puis, Les premières vacances de R.C. racontent le sentiment de libération des femmes et le soulagement de celui qui tenait les rènes quand les règles se fissurent. Suit un mariage d'amour qui aboutit à l'engagement et à l'indépendance politique, une femme qui échappe à son mari qui la hait (à quel prix me direz-vous?) et enfin, une femme qui parvient à tirer l'homme qu'elle aime hors de la prison de sa belle-famille (aussi déroutant que cela puisse paraître, elle trouve la liberté dans une famille complètement folle d'une caste supérieure...) Est-ce une illusion optimiste?

dimanche 23 janvier 2011

La ville des prodiges


Auteur : Eduardo Mendoza (1943-)

Traduit de l'espagnol par Olivier Rollin
Éditions du Seuil

Encore un livre que je n'ai pas encore lu ! Cette lacune devrait être comblée très rapidement...
Il y a deux personnages principaux dans ce livre : Onofre... et la ville de Barcelone.

À quoi rêve Onofre Bouvila en franchissant les portes de cette ville des prodiges, geyser bouillonnant que cette Barcelone qui s'apprête à accueillir la prochaine exposition universelle de 1887 ? Suivant le cours du fleuve de l'exode, Onofre quitte sa campagne pour la ville. Et, malgré sa bonne volonté, il se heurte à un monde qu'il ne connaît pas, lardé d'une pauvreté issue d'une crise économique durable. Alors qu'il est sans le sou et que l'expulsion est pour le lendemain, une nuit, lui apparaît la bonne à tout faire de la pension qui lui sert d'abri. Tel l'ange Gabriel, elle lui offre la porte de sortie qui le conduira à gravir les échelons d'une réussite sociale qui le mènera de l'exposition universelle de 1887 à celle de 1929, du statut précaire de distributeur de tracts anarchistes à celui d'industriel de génie...

(modification du 31/10/2011) Finalement, j'ai lu ce livre, et je l'ai beaucoup apprécié. Coté personnages, on a affaire à des stéréotypes, c'est vrai, mais ce qui m'a le plus intéressé c'était l'histoire de la ville elle-même, son évolution, celle de ses habitants. D'un point de vue du style, je n'ai pas eu le sentiment de lire quelque chose d'exceptionnel... mais c'est peut-être dû à la traduction.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Eduardo_Mendoza

http://thierrycollet-cetalir.blogspot.fr/2010/10/la-ville-des-prodiges-eduardo-mendoza.html

http://www.babelio.com/livres/Mendoza-La-ville-des-prodiges/8025

http://fiches.lexpress.fr/livre/la-ville-des-prodiges_17826

Le dernier soupir du Maure


Auteur : Salman Rushdie (1947)

Éditions Plon
Éditions de poche : 10/18

Voici un roman fleuve que je n'ai pas encore lu, mais dont on m'a dit le plus grand bien. Il sera bientôt sur ma table de chevet !
Ne l'ayant pas lu, je ne peux le décrire autrement qu'en recopiant "l'argu" de l'éditeur :

Le jour de la fête de Ganesh, Aurora Zogoïby danse pour défier des dieux auxquels elle ne croit pas. Peintre célébré, femme aux dimensions formidables, Aurora exècre la foule qui s'adonne au culte superstitieux du dieu éléphant. Sa danse est donc un geste de suprême dédain. Mais la foule se méprend et la vénère. Irréversiblement, elle est au centre des choses. Y compris de la vie de son fils Moraes.
Le roman suit exactement le même schéma narratif que Les Enfants de minuit : à l'aube de sa mort, le narrateur se lance sur un rythme effréné dans le récit de sa vie, commençant à la jeunesse de ses grands-parents pour arriver, essoufflé, au moment où il prend la plume. Même festin d'images, même réalisme magique, même sensualité, si ce n'est que le poivre a remplacé le chutney comme moteur du souvenir.

(modification du 31/10/2011) : Finalement, je l'ai lu, et je me suis plutôt ennuyé, au point d'ailleurs que je ne suis pas allé jusqu'au bout. L'histoire est intéressante, sur fond d'indépendance indienne, mais la saga familiale est trop compliquée. Bref : j'ai pas accroché.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Salman_Rushdie

http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/CPC96002286/salman-rushdie-le-dernier-soupir-du-maure.fr.html

http://www.avoir-alire.com/le-dernier-soupir-du-maure

http://www.livres-online.com/Le-Dernier-Soupir-du-Maure.html

http://www.desgalipettesentreleslignes.fr/archives/2009/11/26/15867152.html

http://www.dailymotion.com/video/xfaoej_salman-rushdie-le-dernier-soupir-du_news

dimanche 16 janvier 2011

L'homme au parapluie et autres nouvelles

Auteur : Roald Dahl (1916-1990)
Editions Gallimard
Collection Folio

Aucune exaltation, aucune étincelle pour moi à la lecture de ces quatre nouvelles qui s'attachent à porter l'attention sur des attitudes étranges, déroutantes, ridicules, voire dérangeantes mais sans intérêt ni profondeur. Le style d'écriture m'a semblé pauvre, envahi par de nombreux dialogues assez creux. Je n'encourage pas la lecture de ce petit livre au tout petit prix. Cette collection à 2 euros n'est pas homogène dans sa qualité. Roald Dahl est par ailleurs l'auteur de Charlie et la chocolaterie qui est devenu un film à succès.

http://www.lalivrophile.net/l-homme-au-parapluie-de-roald-dahl.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Roald_Dahl

Quatre générations sous un même toit

Auteur : Lao She (1899-1966)

Traduit du chinois par Jing-Yi--Xiao
Éditions du Mercure de France
Collection Folio

Ce n'est que parce que j'ai acheté au prix fort la moitié du CRF de Michel (Crédit Roman-Fleuve, appellation d'origine contrôlée par Jérôme) que je peux vous proposer ce troisième ouvrage. Encouragée tout d'abord par le merveilleux commentaire de Christophe à propos du recueil de nouvelles de ce même auteur (L'homme qui ne mentait jamais), encouragée ensuite par le hasard qui m'a fait découvrir ce livre dans une librairie de Chartres en novembre dernier, encouragée enfin par la lecture de la 4e de couverture mentionnant expressément le terme de roman-fleuve, il m'a semblé que cet ouvrage se devait d'être en lice.

Comme je n'ai pas encore lu le premier de ces trois tomes, voici la présentation que l'on peut découvrir au dos du premier des pavés :

Comme l'indique le titre, Quatre générations sous un même toit est d'abord une histoire de famille. Le roman s'ouvre sur l'anniversaire du vieux Qi, le patriarche, dans l'une des cours du Petit-Bercail à Pékin. Il est fier que sa longévité lui permette de connaître jusqu'à ses arrières petits-enfants. Sa seule crainte est que la célébration de cet anniversaire soit compromise par le début de la guerre avec les Japonais.
Par ses nombreux personnages, le roman trouve son unité dans la succession des différentes générations et dans la dimension historique qui vient menacer leur stabilité. Mais les "conflits" qui sont au cœur de l'œuvre, n'opposent pas seulement entre eux les divers membres de la famille, ils opposent aussi le groupe familial à la patrie, et Pékin au reste de la Chine. Ainsi Pékin devient-il le sujet principal du roman.
Écrit entre 1942 et 1944, Quatre générations sous un même toit est un roman-fleuve d'un réalisme tout à fait original pour l'époque et une fresque incroyablement vivante où Lao She dévoile les événements avec colère et passion.

vendredi 7 janvier 2011

Une histoire d'amour et de ténèbres

Auteur : Amos Oz (1939)

Traduction de l'hébreu par Sylvie Cohen
Editions Gallimard
Collection Folio

Transgressant les règles du jeu, j'ose proposer ce livre alors que 2010 est derrrière nous. J'ai une fois de plus été dépassée par la cruelle et inexorable fuite du temps...

Michel, nos trois filles et moi avons eu la chance de passer une semaine à Lisbonne durant l'été 2009. Notre lieu de séjour possédait une bibliothèque de livres en français d'une très grande tenue. J'y relevai quelques titres dont celui-ci que je m'empressai de commander, revenue dans notre Trégor. J'ai depuis offert ce livre plusieurs fois tant sa lecture a été un événement littéraire, non pas de mon année 2009, mais de toute ma vie de lectrice.

Amos Oz est né en 1939 à Jérusalem. Il est connu pour ses articles politiques et idéologiques publiés en Israël et à l'étranger. Il a milité dans le mouvement antiannexionniste après la guerre de 1967.

Après la publication de plusieurs romans et nouvelles, Amos ose (oui, sans jeu de mots) se confronter au néant, au drame, à la question vertigineuse de sa vie qui est le suicide de sa mère. Il emprunte ce chemin de tous les dangers, ce chemin diabolique, avec l'aide de sa carte maîtresse, l'écriture. Et en fait, plus que l'écrivain, c'est l'homme nu que nous rencontrons. D'abord dans les limbes quand il s'agit de l'histoire de ses aïeux, entre fiction, invention de ce qui manque, et réalité. Puis celle du petit garçon, celle du jeune homme, et bientôt celle de l'homme qu'il est devenu. Et voilà qu'Amos valse avec le temps, se joue de habituel récit chronologique, part de très loin avant l'instant T pour sauter dans le temps et aller bien après cet instant. Très lentement, petit à petit, Amos resserre son champ de vision. Au fil des pages, il acquiert le courage de réduire la distance avec l'instant, d'approcher l'instant, de le frôler, de le regarder au risque d'en perdre la vue. J'ai eu l'impression d'une écriture musicale à la Bartok où l'on se rapproche pas à pas de la note finale, où on l'épie à la dérobée, où on l'enserre par des demi-tons on ne peut plus dramatiques, où enfin on la tient sous soi dans une gravité indicible.

Certains livres magnifiques nous ouvrent des paysages inexplorés. Comment vous dire ? Ce livre sans pathos m'a non seulement donné cette sensation mais il a opéré à coeur ouvert. Amos Oz me semble être un sage qui, par la sincérité et le courage de son partage, par son humour, par son regard apaisé, éveille notre dignité humaine et débarrasse notre âme de sa poussière. Ouh la la...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Amos_Oz

http://www.lapaixmaintenant.org/entretien-avec-Amos-Oz-et-David

http://www.centrenationaldulivre.fr/?Amos-Oz

http://laquinzaine.wordpress.com/2010/02/12/amos-oz-face-a-ses-lecteurs/

http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/amosoz.html

lundi 3 janvier 2011

L'équilibre du monde

Auteur : Rohinton Mistry (1952)

Dans l'Inde contemporaine, les destins d'une jeune veuve, de deux couturiers (oncle et neveu) et d'un étudiant aisé vont se croiser et se trouver inextricablement mêlés.

Chacun luttant pour son avenir, sa dignité ou simplement sa survie entraine les autres dans une vaste cour des miracles où chaque rencontre apporte sa touche de couleur et sa part d'ombre. De situations cocasses en rebondissements tragiques, le roi des mendiants, le collecteur de cheveux, le mendiant cul-de-jatte, le receveur des loyers dessinent une humanité effrayante aux accents exotiques mais aux faiblesses étrangement familières.

Le récit nous éloigne par moments du quotidien de nos héros pour remonter dans le temps et nous raconter les luttes, les victoires, les drames de leurs parents et grands-parents : ce sont finalement trois sagas familiales (trois romans-fleuves ?) qui convergent et mettent en perspective toutes les fractures d'un pays déchiré : opposition des castes, des sexes, des générations, haines religieuses, politiques, ethniques.

Rien ne semble pouvoir faire une nation de cet agrégat de différences, et pourtant on y croit, on dévore les chapitres en se félicitant de chaque centimètre grignoté par la solidarité sur la méfiance, de la plus petite lueur de bonté devinée dans un regard, d'une injustice ou même d'une toute petite mesquinerie battue en brèche... mais sans tourner les pages trop vite de peur de faire vaciller ce fragile équilibre du monde.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Rohinton_Mistry

http://mondalire.pagesperso-orange.fr/equimonde.htm

http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=F1ARTF0010927