“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

dimanche 1 juillet 2012

Le drapeau anglais

Auteur : Imre Kertész (1929-2016)

Traduction du hongrois par Charles Zaremba et Natalia Zaremba-Huzsvai
Éditions Actes-Sud

Sachant qu'Imre Kertész a vécu l'expérience indicible des camps de concentration, j'ai eu du mal à trouver le courage d'ouvrir ce livre. Souvenir inoubliable du film Nuit et brouillard d'Alain Resnais vu -enfin, vu, non, pas vu, pas vu du tout, tout au plus à peine aperçu dans son début- à 14 ans, un après-midi d'hiver. Les images, le son sont restés bloqués sur ma rétine et dans mon oreille, les ont brûlées, lacérées, ont ravagé mon estomac, haché mon coeur, saccagé ma naïveté et m'ont définitivement rendue orpheline de mon enfance. A l'initiative de mon extraordinaire professeur de français Marie-Françoise Vaçulik, cette projection a ouvert la longue période d'un désespoir toujours tapi et l'interminable règne de la peur. Impossible compréhension, la raison rendue inopérante et ridicule.
Ce recueil offre trois courts textes, tous trois reflets d'un épisode de la vie de l'auteur. Le drapeau anglais qui flotte dans une voiture s'enfuyant avant l'arrivée des chars soviétiques en 1956, le retour sur les lieux du camp, le projet d'aller en Autriche après la chute du Mur et l'ouverture des frontières. Imre Kertész adapte son style à l'expérience vécue. Je suis restée sans voix devant une telle adéquation du fond et de la forme. Je suis restée comme une statue de sel, murée dans mon émotion en lisant le troisième texte, "Procès verbal" quand bien même Kertésez refuse l'émotion. Une fois de plus, l'intelligence de l'auteur sauve le lecteur de la ruine, de la capitulation de l'esprit. Par la création littéraire, l'esprit triomphe. Par le partage, l'esprit fait reculer la bêtise et la barbarie.
Imre Kertész a reçu le prix Nobel de littérature en 2002. Merci le Nobel, merci le Nobel, merci le Nobel.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Imre_Kert%C3%A9sz

http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/projets/temoignage/kertesz

http://www.juanasensio.com/archive/2005/07/18/primo-levi-et-imre-kertesz-ou-le-drame-de-la-formulation.html

http://www.maghress.com/fr/lematin/51526

http://mondalire.pagesperso-orange.fr/kertesz.htm

http://www.lexpress.fr/culture/livre/entretien-avec-imre-kertesz_809986.html