“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

samedi 31 août 2013

Goodbye, Columbus

Auteur : Philip Roth (1933-2018)

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Céline Zins
Edition Gallimard (Folio)



"Terre ! Terre !" hurle le lecteur-homme de vigie dans son nid-de-pie (pour moi, souvent un fauteuil très confortable déjà évoqué dans l'article sur le livre "L'amour est très surestimé"), un poste d'observation privilégié placé en hauteur sur le mât avant de certains navires.

Pendant les cours de philosophie de mon année de Terminale, la matière enseignée ne m'étant ni naturelle ni même avenante contrairement à certains de mes camarades, j'ai dû accomplir de façon volontariste et constamment renouvelée un véritable effort intellectuel pour entrer dans les logiques, les constructions, les mondes proposés par chacun des philosophes étudiés. Au bout de quelques mois de cette gymnastique mentale, j'avais acquis un début de souplesse et il me semblait que des myriades d'univers existaient, chacun occupant un espace bien défini, dans les dimensions 4, 5, 6... sans limitation.
À la lecture de ce livre, il m'a semblé qu'à nouveau, je faisais la découverte d'un monde inconnu de moi. J'entrais non seulement dans un nouveau cerveau mais aussi une nouvelle façon de penser et de réagir, façon partagée par des millions de personnes. Au travers de ces six nouvelles, Philip Roth se penche sur les rapports qu'entretiennent les Juifs avec la société américaine, sur les liens singuliers générés pêle-mêle par la culpabilité, la conscience d'une différenciation, la revendication d'une singularité, le besoin d'être distingué et reconnu, le poids d'être un peuple élu, le fardeau d'être un peuple martyr.
De façon extrêmement subtile et habile, l'écrivain raconte des histoires, met en place des situations, entraîne le lecteur dans des scènes et des histoires passionnantes. Son style installe une tension dans le récit. Mais c'est dans les non-dits que tout se joue. Les ambiances sont d'une importance capitale. Et l'atmosphère comme les silences planent longtemps après la lecture, ne cessent de faire revenir leur lot de questions et leur terres étrangères et étranges. Terre inconnue. Et passionnante.



http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/10/19/les-doubles-je-de-philip-roth_1777288_3260.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Philip_Roth

http://www.leglobelecteur.fr/index.php?post/2013/03/17/Philip-Roth-–-Un-américain-pas-si-tranquille




vendredi 23 août 2013

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Auteur : Tony Morrison (1931-)

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christine Laferrière
Édition Christian Bourgois


Il s'agit pour moi du premier roman que je lis de Tony Morrison dont j'ai fait la connaissance par un petit ouvrage édité à la suite de son invitation par le Louvre. Prix Nobel de littérature en 1993, cette femme écrivain a en effet été l'hôtesse du prestigieux musée. Des manifestations ont eu lieu  à l'automne 2006 et un fascicule a été édité. Tony Morrison avait axé sa visite sur le thème "Etranger chez soi", thème particulièrement intéressant, à la lumière duquel le regard sur certaines pièces du musée était passionnant.



Initiée de cette façon aux thèmes de prédilection de Tony Morrison, j'ai été très sensible au style d'écriture, incisif, bref, clinique parfois. Pas de larmes, pas de sensiblerie malgré les scènes atroces sur la guerre de Corée dévoilées hoquet après hoquet, mensonge après mensonge, malgré le traitement réservé aux Noirs utilisés comme cobayes et sujets de jeux à mort. Cette manière d'écrire est à l'économie et surtout à l'efficacité. J'en ai reçu un choc. Ce livre m'a dérangée par sa radicalité, par l'adéquation de son style au sujet. Comme peuvent être dérangeantes les soins des femmes auprès de Cee. Pas la moindre trace d'un apitoiement délétère, seule manière de permettre à la jeune femme de gagner en force, gagner en sagesse, gagner en énergie vitale. Il me semble qu'il en est de même pour le lecteur qui, s'il médite sa lecture, gagne en sève et en force combative. Autant ce livre m'a bousculée dans sa mise à distance et ses scènes sans complaisance, autant il m'a subjuguée et travaillée en profondeur. Je le recommande vivement.




http://www.louvre.fr/progtems/le-louvre-invite-toni-morrison

http://www.arte.tv/fr/toni-morrison-est-l-invitee-du-louvre/1193088,CmC=1386526.html

http://www.vacarme.org/article807.html

http://www.louvre.fr/sites/default/files/medias/medias_fichiers/fichiers/pdf/louvre-dossier-presse-quotle-louvre.pdf