Cité de verre - Revenants - La chambre dérobée
Traduction de l'américain par Pierre Furlan
Éditions Actes Sud. Collection Babel.
Quel plaisir, quelle chance, quel luxe de lire cette trilogie à New York ! A chaque voyage, je tente de conjuguer les délices de la lecture et de la déambulation sur les lieux du livre emporté tout expressément. Dans celui-ci, ce fut tout particulièrement le cas puisque les personnages principaux se cherchent, suivent d'autres personnes, les traquent et ne cessent d'arpenter la géométrie, les abscisses et ordonnées labyrintiques de la ville avec acharnement, dans une obsession mortifère. Non seulement la traque mais encore le changement d'identité les amènent à se perdre, à s'évanouir dans le néant.
Cet ouvrage est une éblouissante et passionnante spirale. Qui est qui ? Qui sommes-nous ? Comment avoir la moindre idée de notre identité ? Quelle est notre essence ?
Tout se croise, se conjugue, se travestit de façon pernicieuse jusqu'au vertige. Chacun des trois romans (courts romans ou nouvelles conséquentes ?) est un jeu de miroirs dans lequel les personnages de fiction mais aussi les personnages historiques comme Walt Whitman se renvoient la balle, ricochent les uns sur les autres. Même l'auteur utilise son nom pour brouiller les pistes. Ce qui semble être une enquête voire un thriller mène à une profonde réflexion philosophique sur le langage et l'identité. Et rien de tout cela n'est ni pesant ni froid. Paul Auster -oui, l'auteur, le vrai - est assez magicien et sorcier pour provoquer notre attachement aux personnages qui bientôt se fourvoient, nous faire sentir avant eux leurs errements, nous faire trembler pour leur survie, leur dignité, leur intégrité. Et ces personnages peuvent tomber encore plus bas que ce que nous avions redouté. Le frisson est là, la jubilation littéraire et intellectuelle aussi. Brillant, brillant, brillant !