Auteur : Russell Banks (1940-)
Éditeur : Actes Sud
À des hommes et des femmes, ces douze très puissantes nouvelles nous proposent un miroir dont toute complaisance est bannie. Je le recommande très chaudement.
Auteur : Russell Banks (1940-)
À des hommes et des femmes, ces douze très puissantes nouvelles nous proposent un miroir dont toute complaisance est bannie. Je le recommande très chaudement.
Auteur : Russell Banks (1940-)
Auteur : Colette (1873-1954)
Éditeur : Le Livre de Poche
Comment est-ce possible d'avoir eu autant de liberté et d'audace, liberté et audace offertes dans l'écriture vif-argent ? Cette Colette est absolument sidérante, narrant dans ce roman une année de son enfance/adolescence dans une petite école de Bourgogne. Cette période se partage entre la passion de la nature (ah, l'incipit, ce début d'une singularité crâne, à la fois ironique et moqueur envers les rédacteurs dénués de talent qui gribouillassent de laborieuses notices erronées sur son village, et exalté sur les bosquets, les bêtes et les feuillages, dévoilant à brûle-pourpoint la sensualité du rapport de Colette à son environnement naturel...), le désir pour d'autres filles, qu'elles soient jeunes femmes ou encore quasi fillettes, les chats - métaphore de Colette elle-même -, l'érotisme, la vivacité intellectuelle hors-norme, une lucidité hallucinante et une certaine cruauté mais encore l'acuité visuelle et psychologique, tout cela étant couché sur le papier grâce au génie de la formule et du rythme. C'est un feu d'artifice, un choc à chaque page et plusieurs fois par page !, le souffle coupé par l'étonnement, le rire, l'admiration, la stupéfaction. Je me suis demandé comment, après un début aussi arraché à la platitude, aussi virtuose, Colette allait réussir à tenir le lecteur en haleine. Le défi est relevé avec un brio infini, l'écrivaine parvenant même à faire progressivement monter la tension dramatique jusqu'à l'explosion finale du passage d'examen, morceau de bravoure qui tente vainement de cacher la mélancolie et la conscience que la vie est déjà quasiment finie, que tout est presque terminé quand l'interminable enfance a soudain passé, a passé d'un coup, sans prévenir. Quel vertigineuse découverte !
Colette n'a pas volé sa nomination à l'unanimité à l'Académie Goncourt. Elle est la deuxième femme à qui la République a accordé des funérailles nationales.
Colette est publiée en intégralité dans la Pléiade.
Grâce à ce lien, vous pourrez découvrir toute les émissions que France Culture a dernièrement consacrées à Colette : https://www.franceculture.fr/personne/colette
Le lien suivant permet de lire une courte biographie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Colette
Enfin, celui-ci, très bien fait, évoque l'adaptation qui a été faite en BD de ce roman : https://www.telerama.fr/livre/la-bedetheque-ideale-191-claudine-a-lecole,-de-lucie-durbiano,-dapres-colette,n5621365.php
Portrait de Colette, vers 1896, par Ferdinand Humbert
Auteur : Ernest Hemingway (1899-1961)
Au soir de sa vie, après avoir été présent et actif sur le théâtre de toutes les guerres de son temps, après avoir miraculeusement échappé à tant d'accidents et de blessures, Ernest Hemingway réceptionne une malle contenant des écrits perdus depuis très longtemps. Ces textes revenants lui permettent de rédiger le dernier ouvrage de sa vie, qui sera publié post mortem. Hemingway y revient sur sa vie de bohème à Paris, dans les années vingt. Il est, à cette époque heureuse, marié à Hadley de qui il a un fils. Le couple fait vaillamment face aux problèmes d'argent. Il faut monter du charbon quand on en a. On grelotte quand il n'y en a pas. On va à Enghien pour jouer aux courses et tenter de se refaire. Si les Hemingway ont quelques sous de côté, ils se réfugient en montagne durant l'hiver. Là encore, le bonheur parcourt les pages, éclatant dans la neige étincelante, dans la découverte émerveillée du ski.
Mais ce n'est qu'après avoir vécu que l'on se rend compte de la jeunesse et du bonheur qui ont fui. Ernest qui n'est alors pas encore Hemingway et a à construire son métier et son statut d'écrivain, sillonne Paris à pied. Soutenu sans faille par Hadley, il passe ses journées dans les cafés parisiens où il écrit, écrit et écrit encore. Centré sur sa vocation et la recherche de son style, il laisse s'échapper l'amour si généreux dont il fait l'objet. Et ce livre que l'on croyait être un hymne au Paris de la fête, des lumières qui clignotent, de la joie qui brille et est un brin superficielle, est en fait un chant d'extase nostalgique à l'amour perdu. Dans les mots qui redonnent vie, qui en recréent l'écrin, quelle mélancolie, quelle tendresse, quelle tristesse parfois ! Hemingway a une façon unique de parler au lecteur, sans affectation ni complaisance, dans une apparente simplicité qui touche très profondément. C'est déchirant. S'il a sillonné Paris, il a sillonné également son âme et c'est bien là le livre de quelqu'un qui a vécu et qui connait et l'ivresse et les souffrances de la vie.
J'avais, comme des dizaines de milliers d'autres, acheté ce livre après les attentats de novembre 2015. Je ne l'ai dévoré qu'il y a quelques semaines, après avoir ouvert au hasard une page et lu tout haut pour aider Michel à s'endormir. Effet immédiat sur Michel, l'autre conséquence étant que j'ai été happée par cette écriture, hop ! d'un coup harponnée, aimantée par l'alliage de ce qui se présente parfois comme des bribes de reportage et de la dimension intime de cette magnifique écriture.
Dans "La compagnie des auteurs", France Culture a consacré quatre émissions à cet auteur, la dernière tout spécialement sur Paris est une fête.
Isabelle
Auteur : Edgar Hilsenrath (1926-2018)
Oh bon d'là, quelle secousse ! Ça vous flanque une de ces gifles, cette affaire ! Il s'agit de nouer ensemble l'irréconciliable, l'absolu non-nouable : la Shoah et le burlesque, le grotesque même, le parcours d'un génocidaire avec le rire. Autant dire que le rire est grinçant, que pour moi, même, il n'y a jamais eu le moindre prémisse de rire et que j'ai pataugé du début à la fin dans le glauque et le nauséeux. Aucune larme non plus, mais une entrée effarée dans l'inconnu, dans le bal des vampires, dans le tunnel grimaçant des horreurs présentées sans aucun pathos. Ne cherchez pas, il n'y en a pas. Pas de pathos.
Le narrateur est non seulement homodiégétique - il est présent dans l'histoire qu'il raconte - mais autodiégétique, c'est-à-dire qu'il n'est pas seulement témoin des événements qu'il présente mais qu'il est le héros de l'histoire. Peut-on pour autant parler de héros ? Le narrateur est un Allemand qui, pour échapper à la poursuite contre le génocidaire nazi qu'il est, après avoir assassiné des milliers de juifs dans un camp, prend l'identité de son ami d'enfance juif, étudie et devient plus juif que juif, va jusqu'en Israël et termine sa vie sans être inquiété le moins du monde même après avoir révélé sa forfaiture. Tout cela est enlevé avec un sens aiguissime du rythme, du contraste, du choc, du cru et de la dérision tous azimuts. Une émulsion des plus électrisantes, avec les doigts dans la prise du début à la fin. Mais heureusement qu'il s'agissait d'un livre offert par nos amis Marie-Christine et Jacques car j'aurais eu du mal à faire face à cet OBNI (Objet Littéraire Non Identifié), notamment au milieu du livre où l'alliance contre-nature du fond et de la forme a commencé à me donner une de ces fatigues, une de ces lassitudes et une interrogation des plus déroutantes. Marre de la saleté, même sous cette forme qui se joue de toute lourdeur. Pourtant je recommande très chaudement ce livre qui nous met sous les yeux le lien indissociable du nazisme avec la sexualité, avec les multiples formes de déviance sexuelle d'une part et qui pose des questions très profondes de ce qu'est l'identité. Et puis, ce livre donne à palper l'incroyable puissance de la littérature. Quelle expérience, quelle expérience ! Merci, les amis !!
Edgar Hilsenrath n'a pas trouvé d'éditeur en Allemagne malgré la critique élogieuse de l'immense écrivain Heinrich Böll rendant hommage à la qualité littéraire de l'œuvre et à son style « qui foisonne plein de sève et pourtant touche souvent juste, déployant une poésie à la fois sombre et calme ».
"Écrit durant l’exil d’Hilsenrath à New York, le livre fut d’abord un best-seller aux États-Unis avant d’être publié en Allemagne, avec un succès polémique. Désormais considéré comme un classique, ce titre montre un autre aspect, tout aussi iconoclaste, du génie littéraire de l’auteur de Fuck America." Ed. Le Tripode.