Auteur : Nicolas Mathieu (1978-)
Éditeur : Actes Sud
Michel qui avait lu ce roman souhaitait que nous puissions échanger à son propos. Bien que je n'étais pas très encline à m'exécuter, redoutant la fameuse écriture relâchée, la manière orale sans style ni tenue qui m'agace voire me décourage de manière rédhibitoire, j'ai ouvert le livre. Et bien m'en a pris.
Après avoir été rebutée par quelques tournures de la trempe que je déteste et qui m'horripile - mais c'était moi qui étais aveuglée par mes a priori, n'ayant pas encore compris que l'auteur employait le style indirect libre -, je suis entrée dans l'histoire. Les personnages et les trajectoires ne m'ont plus lâchée. Nicolas Mathieu, en très fin observateur de la société actuelle, ses dérives, ses impasses, son jeu de dupe, ses gagnants sans scrupules et ses laissés-pour-comptes, a beaucoup d'attention non seulement en général sur ses contemporains mais également sur les habitants de sa région de naissance, sur les tics et les tocs de notre société hystérique de ses consultants, ses hommes politiques, ses assoiffés de pouvoir, hommes qui confisquent la place pour eux seuls. On patauge dans le marasme dégoûtant du langage administratif passe-partout, prêt-à-employer, prêt-à-banaliser, prêt-à-spolier.
Le lecteur fait ainsi la rencontre d'une femme issue de la classe moyenne et qui, munie d'un cerveau bien ordonné doué pour les études, a réussi à assimiler les codes de la caste dominante sur les plans économique, social et culturel. Adolescente, elle était, comme toutes les filles de sa classe et probablement du collège, amoureuse de la star masculine locale de hockey sur glace. Lui s'est laissé peu à peu dériver jusqu'à finir par être l'un des innombrables anonymes de la classe des perdants.
Le livre mène de front deux temporalités, celle du passé avec les minuscules et grandioses événements de l'adolescence racontés au présent comme si l'on ne pouvait pas s'extraire de ce moment fugitif, passionnant et cruel, et le présent des adultes revenus de leurs illusions et tentant de construire quelque chose d'autre, les trajectoires des uns et des autres se (re)croisant, avec des verbes conjugués au passé, à ce qui n'a déjà plus (beaucoup) d'existence, ce qui est refroidi.
Après un commencement tambour battant, le livre réussit réussit l'exploit de ménager un crescendo irrésistible et implacable, jusqu'au climax du mariage, moment de tous les sommets et de toutes les chutes. Chut ! Je n'en dis pas plus sur ce point.
Chaque personnage a un relief remarquable, y compris les seconds rôles, celui de la stagiaire étant particulièrement inoubliable. Mais sont également inoubliables les tragédies qui se jouent lors des match de hockey, les scènes multiples avec les uns et les autres. Des mois après avoir lu ce livre, j'ai l'impression d'avoir connu ses personnages, mes impressions de lecture sont restées très vivaces, comme si j'avais moi-même vécu ce qui est raconté.
Après tout cela, bien sûr, je vous recommande ce livre qui, en plus d'être un roman haletant, nous en dit long sur notre société.
Au fait, pourquoi Connemara ? Éh, éh...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Mathieu_(écrivain)
Voici une très belle présentation de ce livre dans le blog littéraire "En attendant Nadeau" : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/03/02/sans-amour-nicolas-mathieu/
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