“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

mardi 23 juillet 2024

Le Chevalier de Maison-Rouge

Auteur : Alexandre Dumas (1802-1870)

Éditions folio classique
Édition de Sylvie Thorel-Cailleteau


Quelle histoire !  Quelle tragédie ! Quel sens romanesque ! Quel plaisir de lecture malgré l'effroi et la sidération !

Pour deux francs six sous je me suis procuré ce livre le 25 novembre 2023 dans un délicieux café associatif du Pèlerin (Loire-Atlantique) alors que nous participions, bouleversés, à "la chanson du samedi" sur le thème de la paix, chanson chantée et jouée à la guitare par un groupe de citoyens-musiciens aussi généreux qu'engagés. Grand partage impromptu et grande émotion...
Le vocable de "citoyen", combien de fois le lit-on dans ce roman qui se déroule au plus fort de la Terreur, en 1793, quelques mois après la décapitation du roi, à l'époque de l'emprisonnement de Marie-Antoinette au Temple puis à la Conciergerie, à l'ignominie de sa séparation d'avec son petit garçon qui en mourra lui aussi.

Si nous sommes plongés dans l'Histoire avec sa "grande hache" (c'est vraiment l'occasion d'employer ce terme de Claude Simon !) - les tentatives pour faire évader la "veuve Capet", la chute des Girondins, les condamnés de plus en plus nombreux -, celle-ci est finement cousue avec le récit d'une amitié indéfectible et celui d'un amour lumineux entre deux êtres que leurs engagements politiques ne pouvaient qu'opposer. Las, ces deux sentiments magnanimes et grandioses font face à la vilenie la plus abjecte, la peur, la méchanceté, la mesquinerie, la jalousie, la rancoeur, la bêtise, tout ce cortège d'horreurs et de saletés qui aboutissent aux dénonciations, aux trahisons et aux exécutions en masse.

Maurice est superbe et intègre, Geneviève est ravissante et droite, tous deux sont transcendés par l'amour qui les lie par-delà leurs convictions, leurs engagements, leurs situations personnelles, l'amour qui les auréole au firmament et va finalement les perdre. Cependant le personnage qui m'a le plus profondément émue est Lorin, l'ami poète, le créateur de quatrains et de distiques, le diamant pur, le merveilleux.

Quel grand, quel magnifique écrivain que Dumas qui parvient à nous emporter, page après page, à nous maintenir vifs et passionnés. Pas un seul temps mort. Tout est spirituel, tout est enlevé. Avec grâce et profondeur, il enfourche cette période pour réfléchir à la condition humaine, à ce moment si spécial et horrible de l'histoire de notre pays, sur les vices et les vertus des hommes. Et il atteint un sommet quand il nous fait côtoyer les condamnés dont l'avenir ne se compte plus qu'en minutes. Les dernières pages sont d'une sublime intensité.

Je pensais ne m'offrir qu'un grand plaisir de lecture, je suis sortie de ce roman bouleversée. Il se trouve de plus qu'à Rennes, je lis en ce moment les Mémoires d'Outre-tombe de Chateaubriand et que j'en suis au moment de la Terreur. Les personnages de fiction qui sont exécutés chez Dumas sont chez Chateaubriand bien réels : plusieurs membres de sa famille, une soeur et un beau-frère qui laissèrent un très jeune enfant...




Grâce à ces liens, vous pourrez accéder à différentes belles émissions consacrées par France Culture à Alexandre Dumas : 

Grâce à ces liens, vous pouvez accéder aux deux premières parties du feuilleton tourné en partie à Senlis (ma ville natale) en 1963 : 

Grâce à ce lien, vous pouvez accéder au film éponyme tourné en 1913 :



 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire