Traduit de l'américain par Jean-Luc Piningre
Editions 10/18
Roman-fleuve, ce livre l'est à double titre. Par la définition que nous en fîmes, à savoir une oeuvre d'une longueur certaine portant sur au moins deux générations de personnes ou sur au moins deux âges de la vie d'un des personnages, mais aussi par la situation géographique de la petite ville d'Empire Falls de part et d'autre du fleuve Knox dans l'état du Maine.
Après avoir été florissante, la cité d'Empire Falls décline inexorablement, entrainant dans sa chute -voire dans ses chutes, car il semble que l'auteur affectionne les correspondances et les symboles- l'ensemble de ses habitants.
Il m'a semblé que cette oeuvre était trop ambitieuse. Trop de desseins, trop de pistes. D'où une certaine fragilisation de la structure et une perte d'énergie vitale. Richard Russo brosse d'une part un tableau sociologique de la ville et de son évolution depuis la fermeture des usines. Il s'emploie d'autre part à suivre le parcours personnel d'une multitude de personnages, fouillant le passé et les ressorts psychologiques de chacun, Miles tout d'abord, figure centrale autour de laquelle est bâti le récit, sa fille Tick, son ex future-femme Janine, son frère David, son amour de toujours Charlène, sa mère Grâce, son père Max, l'insupportable et caricaturale Madame Whiting, figure dominante et tyrannique, Cindy, la fille de cette dernière, Charles, son mari, mais encore les copains de Miles, ceux de Tick et certains de leurs parents, les deux prêtres, que sais-je... la liste n'étant pas finie ! Enfin, le livre est également la trop lente découverte de l'histoire d'amour entre Grâce et Charles Mayne.
Cette triple cible aboutit à une oeuvre multicéphale qui s'essouffle dans trois directions concurrentes, paralysant la vigueur du magnifique et très prometteur prologue. Les personnages ne semblent de plus pas pouvoir évoluer, coincés dans un schéma immuable, ce qui ajoute au poids des fréquents flash-back et du tonnage trop conséquent déjà évoqué. Le tonus manquant ne viendra pas de la chute gentiment happy.
Il reste que le livre est un fascinant portrait de l'Amérique profonde des semaines précédant le 11 septembre. Une Amérique cruelle qui exclut et qui tue au hasard.
Immense succès aux Etats-Unis auprès du public comme de la critique, élu Roman de l'année par le magazine Time, ce livre a reçu le prix Pulitzer en 2002.
On trouve des critiques intéressantes sur le site ci-dessous :
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