Traduit du russe et préfacé par Boris de Schlœzer
Deux volumes
Juste avant qu'il ne reparte en compagnie de sa femme Marie-Christine, les dernières paroles prononcées étant les plus importantes, magiques, presque un talisman voire un secret de vie, notre ami Jacques nous confia : "Et si vous avez un peu de temps, lisez La Guerre et la Paix !" "Mais je viens de le lire ! C'est sublime !""Ah oui, sublime, il n'y a pas une ligne à jeter" a ajouté Jacques, oui et moi pas loin d'être en transe.
Éditions Gallimard. Collection Folio.
J'ai l'impression de connaître l'existence de ce livre depuis toujours. Et depuis quelques années, il me semblait presque qu'il était trop tard pour le lire, qu'il eût fallu le lire avant. J'avais raté le coche. Et soudain, dans les premiers jours de septembre dernier, Denis Podalydès s'est occupé de couper court à cette idée absurde, cette reculade, cette capitulation intellectuelle. Comment ? En me lisant un passage chaque soir. À la radio, oui, oui, oui, mais à moi, vraiment.
Dès les premières lignes, c'est un ravissement, une passion. Je me tiens dans un coin du salon d'Anna Pavlova. Je la voix manigancer la soirée, téléguider ses invités, maîtriser l'affaire de bout en bout selon un plan excluant le moindre imprévu. On dirait une pièce de théâtre de marionnettes dont, -effrayée, amusée, les yeux soudain décillés- je vois les fils. Tolstoï éclaire pour moi les faux-semblants, l'hypocrisie reine, la bassesse, l'opportunisme, les mondanités écoeurantes, la servilité abjecte, tout ce petit jeu des sociétés, des groupes, ces groupes qui ont une certaine conscience de leurs manoeuvres et qui excluent ou réduisent toute personne ne revêtant pas le masque. Durant huit mois, j'essaie d'être au rendez-vous quotidien avec Denis et Léon. Le miracle se renouvelle à chaque fois. Tolstoï me montre tout, je lis dans les âmes, je ne me fais plus mener par le premier beau parleur, la première personne importante.
Dès les premières lignes, c'est un ravissement, une passion. Je me tiens dans un coin du salon d'Anna Pavlova. Je la voix manigancer la soirée, téléguider ses invités, maîtriser l'affaire de bout en bout selon un plan excluant le moindre imprévu. On dirait une pièce de théâtre de marionnettes dont, -effrayée, amusée, les yeux soudain décillés- je vois les fils. Tolstoï éclaire pour moi les faux-semblants, l'hypocrisie reine, la bassesse, l'opportunisme, les mondanités écoeurantes, la servilité abjecte, tout ce petit jeu des sociétés, des groupes, ces groupes qui ont une certaine conscience de leurs manoeuvres et qui excluent ou réduisent toute personne ne revêtant pas le masque. Durant huit mois, j'essaie d'être au rendez-vous quotidien avec Denis et Léon. Le miracle se renouvelle à chaque fois. Tolstoï me montre tout, je lis dans les âmes, je ne me fais plus mener par le premier beau parleur, la première personne importante.
Je surprends l'échange entre le vieux misanthrope et le prince André. Le père indique à son fils qu'il a compris sa mésalliance. Il lui promet de prendre soin de sa belle-fille durant l'absence du fils qui part à la guerre. Pas d'émotion visible. Pas d'attendrissement. Pas non plus de double jeu. J'assiste, ébahie, à l'affrontement de leurs deux personnalités fières.
La guerre est maintenant bien là. Au lieu des grandes batailles, des fresques grandioses, je vois les coulisses de l'événement, les situations piteuses, les petitesses, les opérations minables de l'un ou de l'autre. Je suis à côté du prince André, impuissante à le protéger ou le soigner au moment de sa première blessure.
Dès que j'ai pu, dès la dernière épreuve de Licence 2 finie, je me suis procuré les deux volumes que j'ai lus en trois semaines. La vie au fil des pages était alors presque plus réelle que mon quotidien pourtant riche et heureux. La Russie immense, inhumaine, ogresque, était là. J'ai attendue, folle de déception et d'inquiétude de ne pas être invitée à la première danse du bal, puis j'ai dansé avec le prince André. J'ai jubilé quand Napoléon s'est cassé le nez. J'ai pleuré les morts.
La vie entière est dans ce livre qui en déborde à chaque page. L'amour, la religion, les croyances, la famille, l'amitié, la politique, le mysticisme, la vertu, la débauche, la jeunesse, la gaieté, les erreurs, et la guerre, la guerre, la guerre, sa misère, sa mort, son désespoir, les centaines de milliers de morts de Napoléon, la légende autour de Napoléon.
Comment ne pas être enthousiasmé par Koutouzov ? La sagesse de Koutouzov, la patience de Koutouzov. Surtout, ne rien faire. Épargner des vies. Attendre que Napoléon s'abîme tout seul.
Comment ne pas vibrer avec la princesse Marie ? Le beau grand Pierre, la délicieuse Natacha ?
La Volga, les steppes, la taïga. Tout est d'une ampleur inouïe, grandiose. Une sorte de comédie humaine. Tolstoï réussit le pari fou d'écrire un roman d'amour et d'aventure, un roman historique et un essai sur l'histoire.
Merci Tolstoï, merci Denis Podalydès et France Culture (tous les jours de la semaine à 19h53).
http://www.franceculture.fr/oeuvre-la-guerre-et-la-paix-trad-boris-de-schloezer-notes-gustave-aucouturier-de-lev-nikolaevitch-to
http://www.franceculture.fr/oeuvre-la-guerre-et-la-paix-trad-boris-de-schloezer-notes-gustave-aucouturier-de-lev-nikolaevitch-to
http://www.babelio.com/livres/Tolstoi-La-Guerre-et-la-paix/44061/critiques
Dès que j'ai pu, dès la dernière épreuve de Licence 2 finie, je me suis procuré les deux volumes que j'ai lus en trois semaines. La vie au fil des pages était alors presque plus réelle que mon quotidien pourtant riche et heureux. La Russie immense, inhumaine, ogresque, était là. J'ai attendue, folle de déception et d'inquiétude de ne pas être invitée à la première danse du bal, puis j'ai dansé avec le prince André. J'ai jubilé quand Napoléon s'est cassé le nez. J'ai pleuré les morts.
La vie entière est dans ce livre qui en déborde à chaque page. L'amour, la religion, les croyances, la famille, l'amitié, la politique, le mysticisme, la vertu, la débauche, la jeunesse, la gaieté, les erreurs, et la guerre, la guerre, la guerre, sa misère, sa mort, son désespoir, les centaines de milliers de morts de Napoléon, la légende autour de Napoléon.
Comment ne pas être enthousiasmé par Koutouzov ? La sagesse de Koutouzov, la patience de Koutouzov. Surtout, ne rien faire. Épargner des vies. Attendre que Napoléon s'abîme tout seul.
Comment ne pas vibrer avec la princesse Marie ? Le beau grand Pierre, la délicieuse Natacha ?
La Volga, les steppes, la taïga. Tout est d'une ampleur inouïe, grandiose. Une sorte de comédie humaine. Tolstoï réussit le pari fou d'écrire un roman d'amour et d'aventure, un roman historique et un essai sur l'histoire.
Merci Tolstoï, merci Denis Podalydès et France Culture (tous les jours de la semaine à 19h53).
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