“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

lundi 9 octobre 2017

Boussole

Auteur : Mathias Énard (1972-)

Éditions Actes Sud


Offert par mon si cher ami Christophe, cet écrit témoigne avant tout de la fascination exercée de tous temps par l'Orient sur l'Occident. Le roman est celui d'une nuit unique qu'un musicologue viennois, plus tout à fait jeune mais pas encore âgé, traverse dans une insomnie irréductible. L'annonce vient de le percuter : il est atteint d'une maladie préoccupante. Alors qu'il lui semble à peine en découvrir les délices, à peine commencer à en distinguer les pièges, à peine à en pleurer les amères désillusions, la vie semble vouloir déjà jouer à cache-cache, se dérober peut-être. Que n'a-t-il pas saisi ? Quelle erreur a-t-il commise ? L'Orient qui passe et repasse, qui se raconte dans ce récit fébrile et nocturne, l'Orient qui brille, qui miroite, qui se dévoile et se dérobe tout à fois, imprime une extraordinaire mélancolie à ce livre dans lequel le lecteur a paradoxalement envie de réveiller le personnage, le faire quitter sa désespérante nonchalance, son manque de confiance, sa passivité mortifère.

On pourrait passer des heures et des heures à reprendre les références, les préciser, approfondir ce que l'on ne connaît pas. Puits dans le jardin des Mille et une nuits, dédale dans lequel se croisent une foule innombrable de créateurs, musiciens, chorégraphes, écrivains, artistes visuels, ce livre, s'il est érudit, est avant tout sensible. Il se fait l'écho des mélopées de tous ces instruments magnifiques, de tous les textes enivrants et de la beauté des nuits dans le désert. C'est enfin la traversée existentielle d'un être miné par le doute et qui se tient soudain tout à fait au bord du gouffre. Le sommeil qui ne veut pas venir est le dernier rempart contre l'extinction, contre l'étouffement d'un feu puissant, d'une émergence vitale, d'une évidence. 









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