Éditions Gallimard
Noir, c'est noir. Avec ce livre au titre violent, il n'y a aucune tromperie sur la marchandise.
L'histoire se déroule dans une petite ville en 1917, au moment où certains, ceux qui s'en sortent toujours, ceux qui savent tirer les bonnes ficelles, qui savent entretenir les relations opportunes, se placer ou soudoyer ou séduire ou coucher, sont planqués. Mais encore plus que planqués, ils arrivent à jouir de ce qui se trouve à portée de main, de ce qui se présente à leur capacité de prédation, à leur voracité. D'autres, les imbéciles, les idiots !, se font massacrer au front. Parmi ceux-ci, les plus chanceux - les plus malchanceux ? - en reviennent amputés, gazés, estropiés, abimés, disgraciés. Certains poilus se révoltent ? Sédition ! Trahison ! Peloton ! Exécution !
Il y a bien deux enfers, celui des combats et celui de l'arrière où sévissent là aussi l'égoïsme, l'ignominie, l'injustice, la bassesse la plus vile, où pullulent les opportunistes et les scélérats. Un professeur de philosophie que ses élèves affublent du sobriquet de "Cripure", contraction de "Critique de la Raison pure", est radicalement inadapté à ce monde dont il n'a ni les codes ni les modes de fonctionnement. Au terme du livre dont la temporalité est circonscrite à une seule journée, il se perd et se délivre tout à fois. Ce personnage est inoubliable.
Louis Guilloux offre un livre coup de poing, hurlement de révolte, cri pur contre la vilenie. C'est un diamant noir.
J'ai eu ce roman entre les mains grâce à notre fille Camille dont le professeur de français, admirateur du briochin Guilloux, l'avait donné à lire en classe de Première. Misère ! Lire cela à 16 ans ! Il n'y a aucune lumière dans la première moitié, aucune lumière, aucune lueur, aucun fanion..., de quoi pleurer durant toute l'année et maudire le genre humain. Et pourtant, quel livre ! La fin, désespérante, est pleine d'espoir. On n'est pas à l'abri d'un paradoxe. Vous l'aurez compris, c'est la vivacité, la tonicité de l'écriture, c'est l'insolente audace du propos qui nous relèvent de l'aspiration au vide et nous donnent l'énergie de vivre et combattre.
L'émission La compagnie des auteurs (du lundi au jeudi de 15h à 16h sur France Culture) vient récemment de proposer quatre émissions très intéressantes dont j'ajoute les liens ci-dessous.
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/louis-guilloux-14-donner-une-chance-la-vie
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/louis-guilloux-24-le-metier-decrire
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/louis-guilloux-34-un-degrade-de-positions-proprement-politiques
https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/louis-guilloux-44-guilloux-et-les-autres
http://www.gallimard.fr/Footer/Ressources/Entretiens-et-documents/Histoire-d-un-livre-Le-Sang-noir-de-Louis-Guilloux/(source)/116119
http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Guilloux
http://www.babelio.com/livres/Guilloux-Le-Sang-noir/6553
http://lefantasio.fr/index.php?2006/02/18/186-louis-guilloux-le-sang-noir-gallimard
http://centenaire.org/fr/texte-5-louis-guilloux-le-sang-noir-extrait
http://www.louisguilloux.com/biographie-louis-guilloux/bibliographie.php?id=4
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire