Auteur : Pier Maria Pasinetti (1913-2006) qui aimait à être appelé P. M. Pasinetti
Un personnage éminent qui ne cesse de se montrer dans les cercles du pouvoir politique et religieux fait figure de clown pitoyable au service d'une Idée au-dessus de tout qui évince tout ce qui est humain tandis que le dentiste est présenté dans son quotidien modeste, et, justement, son humble et bouleversante humanité.
La narration utilise deux procédés : la soit-disant réminiscence de faits s'étant déroulés des dizaines d'années auparavant et le point de vue d'un "narrateur omniscient". Il y a là une grande richesse qui peut parfois perdre un peu le lecteur, de la même manière que les incessants allers-retours entre les années vingt et plusieurs moments plus tardifs dont fait partie l'ultime moment fictif d'écriture des souvenirs.
J'ai beaucoup apprécié la tentative de rendre compte des incohérences, des trajets serpentins, revirements, et minuscules pensées, infimes sensations de certains personnages, un peu à la manière de Nathalie Sarraute. Comme toutes les oeuvres importantes, ce livre pose la question de son écriture. Comment rendre compte de l'infinité des choses ? Que la narration doit-elle choisir ?
J'ai été subjuguée par le début, disé-je, et tout à fait bouleversée par la fin. Certains personnages me resteront longtemps en mémoire : Alvise, Giovanna, mais aussi cet autre sage, Edoardo Bialevski qui, après une longue vie qui a traversé les deux guerres partage ce qui lui semble être la quintessence de son parcours : "Pensez-en ce que vous voudrez, le tableau reste celui-ci : dans chaque partie du monde, des anthropoïdes acéphales toujours renouvelés projettent et exécutent de nouveaux carnages. Eh bien moi je dis (...), et cetera : Ohne mich. A blague on both your houses. Qu'ils aillent tous se faire foutre."
Nous sommes en 2023, cette pensée est toujours désespérément d'actualité.
Venise, ville-rêve à dormir debout, est célébrée pour sa musique, son architecture et sa peinture mais ses fous d'amour ont également écrit des oeuvres inoubliables. Michel et moi ne ratons pas une occasion d'aller saluer très amicalement mais aussi avec une certaine émotion Joseph Brodsky, un autre transi qui a écrit ce joyau qu'est Acqua Alta. Et il existe à La Sorbonne Nouvelle un cours intitulé "Le motif vénitien dans la littérature"...
Vous trouverez grâce à ce lien l'article paru dans Le Monde lors de la mort de P. M. Pasinetti :
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2006/08/10/pier-maria-pasinetti_802565_3382.html
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