Auteur : Julian Barnes (1946-)
Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Aoustin
Éditeur : folio
L'homme en rouge bien fait de sa personne qui emplit l'espace de la couverture ci-dessus est le gynécologue Samuel Pozzi, personnage dont le talent, l'ascension sociale, la trajectoire professionnelle mais encore plus la très riche et mouvementée vie affective, l'attirance pour les femmes, le nombre de liaisons et la fin tragique en font un personnage de roman. Paradoxalement Julian Barnes n'écrit pas un roman mais un essai qui ne cache son attirance pour personnage autour duquel est joyeusement disséminée une multitude d'informations sur son époque. Appelée un peu rapidement la "Belle Époque", ce temps regorge de duels, de coups de pistolets, de tendances politiques délétères. Dans ce mélange entre faste, clinquant, paillettes et cloaque, Pozzi surnage, toujours là où il faut, porté par son doigté et son charisme hors du commun.
De son côté, l'écrivain furète dans ce bazar, à la fois jardin anglais, musée Grévin et cabinet de curiosités. Si Samuel Pozzi est le centre autour duquel le texte est "organisé" (peut-on employer ce terme dans un si foisonnant et prodigieux labyrinthe ?), l'auteur s'attarde sur d'autres fascinants personnages, le comte Robert de Montesquiou, l'improbable couple qu'Edmond de Polignac forme avec la duchesse, mais encore le détestable Jean Lorrain.
Une question essentielle est posée, qui parcourt ce livre ressemblant à aucun d'autre : comment écrire une biographie ? Où est la vérité ? Comment composer un tableau ? Que dévoile réellement une photo ?
J'ai ouvert ce livre en pensant qu'il s'agissait d'un roman, attirée par le magnétisme de cet "homme en rouge" et par le titre, aussi prometteur de passion qu'inquiétant. L'horizon d'attente était donc celui qu'on a à l'ouverture d'un roman. Au bout de quelques lignes, complètement désorientée, je me suis demandé où j'avais mis les yeux. Ce n'est qu'après avoir compris qu'il s'agissait d'un essai que ma lecture a non seulement été facilitée mais tout simplement rendue possible et que j'ai enfin pu m'intéresser à l'ouvrage.
Après avoir lu ce texte, brillant, débordant, insaisissable, j'ai lu un roman, cette fois, De Venise à Venise, de P. M. Pasinetti (et dont vous trouverez l'article publié en mai 2023) dans lequel, hasard incroyable !, l'un des personnages a, comme Pozzi, un portrait effectué par le peintre John Sargent...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire