Traduction de l'anglais (Inde) par Mélanie Basnel
Editions Picquier
Après La colère des aubergines, voici le deuxième recueil de nouvelles de Bulbul Sharma. On y retrouve son talent pour décrire les personnages et les relations à travers les habitudes et les faits plutôt que par une description psychologique classique. On y retrouve aussi cette société aux structures inter et intra-familiales rigides. Lorsque certains d'entre nous ont eu la chance et le plaisir de nous rencontrer, nous avons discuté de la distance et/ou de la proximité entre la société indienne et la nôtre ressenties à la lecture de ces récits. Cette fois, la distance m'est apparue plus grande que dans le premier recueil. Cela s'explique peut-être par le changement de fil conducteur : la vedette n'est plus la nourriture mais la jeune fille ou la mariée. Une seule nouvelle est centrée sur un personnage masculin, mais c'est pour mieux parler de son emprise sur sa mère, sa femme et sa fille. Je dois avouer que j'ai moins ri, mais nulle déception puisque j'ai retrouvé la belle qualité de présence des protagonistes, une impression de saisir l'essence des personnages comme s'ils étaient là ou racontés par quelqu'un de très proche.
J'ai aussi lu dans l'organisation du recueil une progression vers la modernisation et l'émancipation. D'abord, dans Une très jeune mariée, le mariage arrangé entre deux enfants ne tarde pas à déboucher sur une complicité de toute une vie. Puis, Les premières vacances de R.C. racontent le sentiment de libération des femmes et le soulagement de celui qui tenait les rènes quand les règles se fissurent. Suit un mariage d'amour qui aboutit à l'engagement et à l'indépendance politique, une femme qui échappe à son mari qui la hait (à quel prix me direz-vous?) et enfin, une femme qui parvient à tirer l'homme qu'elle aime hors de la prison de sa belle-famille (aussi déroutant que cela puisse paraître, elle trouve la liberté dans une famille complètement folle d'une caste supérieure...) Est-ce une illusion optimiste?