“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

jeudi 28 août 2025

Tais-toi, je t'en prie

 Auteur : Raymond Carver (1938-1988)

Traduit de l'anglais (États-Unis) par François Lesquin

Éditions de l'Olivier

Voici l'un des joyaux de la liste des recueils de nouvelles qui ont été à la source des échanges de la rencontre d'août 2025. 

Ce regard qui nous interroge et nous supplie, rempli à la fois de crainte, de doute et d'intense intériorité rend bien compte de l'écriture de Carver. Les histoires semblent ténues, si ténues que le lecteur a parfois l'impression de trouver en face de trois fois rien. Mais ce rien déborde de l'extrême sensibilité de l'auteur qui voit tout, entend tout, décèle, comprend et ressent tout dans une exacerbation presque douloureuse de la conscience. 

L'une des nouvelles - la première, écoutable grâce à un lien ci-dessous - est celle du récit d'une serveuse qui a été émue par la gentillesse et la courtoisie, la politesse et la honte de son client obèse, un client qui fait la risée de tous en cuisine. Cette gentillesse, cette douceur bouleversent la serveuse au point qu'elle sait que sa vie va changer. C'est trois fois rien mais l'écriture de Carver fait que tout est palpable, que le lecteur, nouvellement muni de yeux décillés, se transforme en voyant extralucide.

Dans une autre, il s'agit d'aller déloger des intrus qui abattent des canards sur des territoires qui ne leur appartiennent pas. Par un bout de phrase par ci, une minuscule remarque par là, le lecteur attentif comprend que le propriétaire et gardien Lee Waite est descendant des Indiens, que lui et son peuple ont tout perdu, leur terres, leur richesse, leur culture, leur dignité. L'écriture est sublime de retenue et de force dévastatrice.

Ce sont les exclus, les pauvres, les marginaux, les alcooliques qui intéressent Raymond Carver, le monde dont il est issu. Il débusque la misère des relations entre les êtres, les défaites, les indignités, les mensonges, les mesquineries, tout ce qui est lamentable et déshonorant dans les liens abîmés entre les uns et les autres de même qu'à l'intérieur des couples.

La dernière nouvelle, celle qui donne son nom au recueil, est la tentative éperdue de sauver un couple après que des paroles ont été apposées sur un fait qui, s'il était su par elle et lui, n'avait pas été nommé, n'avait pas été échangé de manière verbale. Où l'auteur redit la puissance à la fois créatrice et destructrice du langage. 

Grâce au lien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-raymond-carver, il est possible d'écouter quatre émissions de France Culture consacrées à Raymond Carver :

- De la force d'écrire

- Pareil qu'hier

- Dormir

- Survivre 

Grâce au lien suivant https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/fictions-le-feuilleton/nouvelles-et-poemes-de-raymond-carver-1-5-8585915, il est possible d'écouter deux nouvelles issues du recueil ("Obèse" et "En voilà une idée"). L'émission est présentée comme suit : "« Les mots, c’est finalement tout ce que nous avons, alors il vaut mieux que ce soit ceux qu’il faut et que la ponctuation soit là où il faut pour qu’ils puissent dire le mieux possible ce qu’on veut leur faire dire. » C’est ce qu’écrivait Raymond Carver dans un essai sur la littérature et c’est ce qu’il a démontré avec rigueur au fil de ses nouvelles et de ses poèmes. L’écrivain américain disparu en 1988 à 50 ans n’a pas écrit de roman. Les formes courtes sont devenues sa distance. Quelques pages, quelques mots, quelques virgules donnent au quotidien et au banal une dimension vertigineuse. Scénariste de la menace sourde, Carver laisse le lecteur résonner avec ses personnages. On attend la catastrophe, on la pressent et pourtant elle n’arrive pas toujours ou plus exactement : la catastrophe c’est la vie même."

 


Grâce au lien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-d-ete/raymond-carver-et-la-nouvelle-americaine-4758553, il est possible d'écouter une émission de France Culture présentée comme suit : "Voici trente ans que disparaissait l'auteur américain qui écrivait les fêlures en poésie et en nouvelles et inscrivait dans le quotidien une profondeur sans pareille. Retour sur son oeuvre avec son éditeur français Olivier Cohen et Guillaume Vincent qui l'adapte au théâtre. 2ème partie : Anne Horel.

Avec
  • Olivier Cohen, editeur, romancier, fondateur des éditions de L’Olivier
  • Guillaume Vincent, metteur en scène et acteur
  • Anne Horel, collagiste, GIF-iste, vidéaste, chanteuse, performeuse"
  •  
  •  

Grâce au lien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/de-la-litterature-en-amerique-2-4-raymond-carver-1747654, il est possible d'écouter une émission de France Culture provenant du podcast "les chemins de la philosophie" sur la littérature consacrée à la nouvelle américaine, et plus particulièrement à Raymond Carver.

 


 

Grâce à ce lien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/ping-pong/la-fureur-de-dire-autour-de-raymond-carver-et-john-giorno-7002326, voici encore une manière d'approcher Raymond Carver. La partie consacrée à cet écrivain est présentée comme suit : "Raymond Carver qui, d’origine provinciale et ouvrière, mort à 50 ans, en 1988, après s’être voulu et fait écrivain avec une énergie démentielle, au vif d’une vie une vie longtemps marquée par l’alcoolisme et l’errance, nous laisse les plus beaux haikus de la littérature américaine et des nouvelles qui le firent surnommer, à sa mort, le Tchekov américain. L’homme qui a reçu Carver, un jour de pluie, à New york, comme un goutte glacée dans le col ou une tuile sur la tête, son éditeur Olivier Cohen est avec nous, nous lui souhaitons la bienvenue au micro de ping pong."

 


 

Encore un lien pour écouter des poèmes et des nouvelles : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/fictions-le-feuilleton/nouvelles-et-poemes-de-raymond-carver-4-5-5948400 

Et un autre pour écouter une émission de France Culture de 2001 sur Raymond Carver : https://www.youtube.com/watch?v=Fni_dVyrge4

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire