“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

vendredi 31 décembre 2010

Don Quichotte

Auteur : Miguel de Cervantès (1547-1616)

Que d'heures de bonheur dans ces aventures et ces digressions délicieuses! Une seule génération, Don Quichotte et sa Dulcinée ne se marient pas et n'ont pas d'enfant, Sancho Pança ne couronne pas la reine de son île, mais chaque kilomètre parcouru dans la Manche et chaque rencontre est digne d'un roman. Et surtout, l'esprit qui anime ces pages en fait une des lectures les plus étonnantes qui soient malgré le passage des siècles et la renommée des moulins à vent. Si vous voulez rire aux éclats et être conduits irrésistiblement à parler comme un chevalier errant, je vous conseille tout particulièrement la traduction de Louis Viardot.

« Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait, il n'y a pas longtemps, un hidalgo, de ceux qui ont lance au râtelier, rondache antique, bidet maigre et lévrier de chasse. Un pot-au-feu, plus souvent de mouton que de bœuf, une vinaigrette presque tous les soirs, des abattis de bétail le samedi, le vendredi des lentilles, et le dimanche quelque pigeonneau outre l'ordinaire, consumaient les trois quarts de son revenu. Le reste se dépensait en un pourpoint de drap fin, des chausses de panne avec leurs pantoufles de même étoffe, pour les jours de fête, et un habit de la meilleure serge du pays, dont il se faisait honneur les jours de la semaine. […]


Un hommage à la gloutonnerie littéraire donc!






Or, il faut savoir que cet hidalgo, dans les moments où il restait oisif, c'est-à-dire à peu près toute l'année, s'adonnait à lire des livres de chevalerie, avec tant de goût et de plaisir qu'il en oublia presque entièrement l'exercice de la chasse et l'administration de son bien. Sa curiosité et son extravagance arrivèrent à ce point qu'il vendit plusieurs arpents de bonnes terres à blé pour acheter des livres de chevalerie à lire. Aussi en amassa-t-il dans sa maison autant qu'il put s'en procurer. »

Pour goûter encore mieux les charmes de ce chef d'oeuvre, je vous conseille également l'écoute et la lecture du livret de Don Quichotte de la Mancha par Jordi Savall et La Capella Reial de Catalunya, dans lequel vous pourrez entendre des passages de Don Quichotte lu par Jordi Savall et grâce auquel vous pourrez en savoir plus sur la place du Romance, des adages et autres dictons (qui fleurissent dans la bouche de notre ami Sancho) au temps de Cervantès.

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_de_Cervantes

http://agora.qc.ca/dossiers/Miguel_de_Cervantes

http://www.site-magister.com/prepas/quichotte.htm

Les piliers de la terre & Un monde sans fin

Auteur : Ken Follett (1949)



Nous sommes à H moins quelques heures et je ne peux terminer cette année sans vous proposer ces livres.


Les piliers de la terre

Traduit de l'anglais par Jean Rosenthal
Édition : Le Livre de poche

J'ai adoré retrouver les différents personnages de ce roman historique, découvrir une tranche d'histoire qui ne m'attirait pas du tout, le Moyen Âge.
Le roman se déroule en Angleterre au XIIe siècle, plusieurs familles et personnages nous font partager la vie de cette époque, dans des milieux bien différents


Un monde sans fin

Traduit de l'anglais par Viviane Mikhalkov, Leslie Boitelle et Hannah Pascal
Édition : Le Livre de poche

Ce roman fait suite au précédent, mais se situe au XIVe siècle.
Les héros sont les descendants des bâtisseurs de la cathédrale de Kingsbridge.
Avec eux nous vivons les prémices de la guerre de Cent ans, et l'arrivée de la Peste Noire en Europe.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ken_Follett

Cent ans de solitude

Auteur : Gabriel Garcia Marquez (1927-2014)
 


Je vois d'ici quelques fronts crispés à la lecture de ces premières lignes (roman-fleuve ou ennui mortel ?). Autant l'avouer tout de suite, j'ai lu avec bonheur ce roman au court de l'été 1999. Mes souvenirs en sont donc quelque peu émoussés, mais je me souviens très bien m'être dit : «Note pour plus tard, ce roman est à conseiller, à relire et à partager». Il me semble également qu'une partie du plaisir consistait à le lire en plein soleil pour être en phase avec le climat colombien. Les mêmes noms reviennent inexorablement, les générations se succèdent s'enfonçant dans la solitude : l'une se nourrit de terre, l'autre se laisse entraîner dans une folie sanguinaire. Je suis sûre que cet enfermement dans une spirale familiale inquiétante avait une résonance particulière en ce dernier été passé dans la maison et le jardin de mon enfance.

Selon l'ami Wikipédia, « il est souvent cité comme le texte le plus représentatif du réalisme magique, faisant cohabiter plusieurs genres littéraires et juxtaposant un cadre historique avéré et des références culturelles vraisemblables à des éléments surnaturels ou irrationnels. Il narre le parcours de la famille Buendia sur six générations, habitant le village imaginaire de Macondo et acculée à vivre cent ans de solitude par la prophétie du gitan Melquíades. Elle va ainsi traverser les guerres et les conflits propres à l'histoire colombienne. »

Vous aimez les ambiances tropicales, les photos jaunies et les malédictions familiales ? N'hésitez plus !

Trop peu de pages, me direz-vous? J'ai pourtant fait un petit sondage à l'échelle familiale (entre les huîtres et le foie gras) : ce roman de Gabriel Garcia Marquez est intuitivement classé dans les fleuves, peut-être à cause de son rythme si particulier. D'après mon souvenir, il s'agirait plus précisément de cette partie du fleuve large et calme dans laquelle l'eau s'écoule tranquillement. Il se jettera sans doute dans la mer, mais sans précipitation.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Garc%C3%ADa_M%C3%A1rquez

En recevant en 1972 le prix Romulo Gallegos pour "Cent ans de solitude", l'écrivain avait ainsi déclaré avoir accepté "de faire deux des choses que je m'étais promis de ne jamais faire : recevoir un prix et prononcer un discours". Dix ans plus tard, celui qu'il a lu lors de la cérémonie des Nobel, "La solitude de l'Amérique latine", est devenu un texte de référence de son oeuvre littéraire.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cent_ans_de_solitude

http://livres.fluctuat.net/gabriel-garcia-marquez/livres/cent-ans-de-solitude/

http://mondalire.pagesperso-orange.fr/centans.htm

Anna Karénine


Auteur : Léon Tolstoï (1828-1910)

Romantique fleuve russe : Anna Karénine !
Entrer dans ce roman, c'est partir pour un véritable voyage, au cœur de "l'âme slave", cette terre sauvage et noble, exaltée, passionnée, s'offrant à la vie ou à la mort avec fougue et sans demi-mesure...Anna devient notre sœur, Vronsky notre frère, et Lévine un ami très cher dont on ne peut qu'aimer le coeur simple, alors que Mr Karénine éveille dégoût et pitié...

Un roman fleuve, n'est-ce pas celui qui accompagne une saison, que l'on ne peut finir d'un coup tant il est long mais que l'on retrouve avec plaisir et gourmandise au moindre petit moment de liberté, et dont la couverture se casse et les pages se cornent à force de transport dans divers sacs, retournages rapides sur divers bras de fauteuils et abandons ponctuels sur divers supports plus ou moins exposés aux accidents domestiques de toute nature...

Anna m'a accompagnée l'été dernier et les rares chaleurs bretonnes se trouvaient réchauffées des tempêtes moscovites...entre les pages, des grains de sable de la plage...et pour accompagner les longues veillées de l'ouest, à l'est de Mr Tolstoï les bals faisaient voler les robes et les cœurs, de lourds regards s'échangeaient sous les chapkas, les drames se nouaient, mais la lumière de la campagne russe permettait une pause dans ce torrent de sombre amour ....

Anna Karénine, une peinture fine et riche en nuances à lire ou relire avec délectation...

http://www.universalis.fr/encyclopedie/anna-karenine/

http://mabouquinerie.canalblog.com/archives/2011/09/19/21897709.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Tolsto%C3%AF

http://nath.lit.over-blog.fr/article-anna-karenine-leon-tolstoi-84627184.html

lundi 27 décembre 2010

Une prière pour Owen

Auteur : John Irving (1942-)

Éditions du Seuil.




J'avais découvert John Irving au travers de son livre "Le monde selon Garp". Séduit, je rachetai aussitôt "L'hôtel New Hampshire". Je pensais m'arrêter là avec John Irving, que nenni. Quelques années plus tard, une collègue me parle, les yeux brillants, d'Une prière pour Owen. Je décidai de refaire un bout de chemin dans le monde de John Irving. Quel choc. Je suis impatient et excité de le relire et d'en discuter avec vous. Vous y découvrirez Owen, un être singulier, petit être avec une voix étrange... Vous y découvrirez une recette radicale pour ne pas "faire son armée" et aller au Vietnam... Mais quel est le secret d'Owen, pourquoi est-il venu sur terre, dans quel but ? Il grandit sous nous yeux. Il découvre un jour la date précise de sa mort. Cela est-il possible ? En la connaissant, il pourra l'éviter, non ?
Dans un film culte à mes yeux "Harry rencontre Sally", Harry se dit tellement pessimiste qu'il commence toujours par lire la fin de ses livres, au cas où il mourrait avant... Ne faites pas cela avec ce livre, malheureux. J'ai pleuré de rire, mais pas seulement... Votez pour Owen... Bises à tous.

                                                                                                                                        Michel

http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Tolsto%C3%AF

http://www.babelio.com/livres/Irving-Une-priere-pour-Owen/5453/critiques


Vous trouverez grâce au lien suivant les émissions que France Culture a consacrées à John Irving :





dimanche 26 décembre 2010

Les élus et autres nouvelles

Auteur : Alejo Carpentier (1904-1980)

Traduit de l'espagnol (Cuba) par René L. F. Durand

Editions Gallimard
Collection Folio

Madame David - Pierrette Germain sous son nom de productrice à Radio-France-, la professeur d'histoire de la musique de mes années de lycée, nous avait conseillé de lire "Concert baroque" d'Alejo Carpentier. Je m'étais alors enthousiasmée pour ce récit à l'écriture pleine de courbes, de digressions, de dissonances abruptes, de contrastes saisissants et inattendus. Cette lecture m'avait fait goûter avant l'heure à la magie et au ravissement vénitiens.
Les quatre nouvelles contenues dans ce petit bouquin m'ont elles aussi éblouie. Cet Alejo a une écriture jubilatoire, pleine de coins et de recoins, de détours carnavalesques. Ça danse, ça virevolte, ça trépigne, cogne, pulse. Rhaaa...
La nouvelle consacrée à l'esclave noir et à Chien m'a conduite, haletante, jusqu'à l'estocade finale. Pan !
Munie d'une distance et un humour délicieux, la troisième nouvelle fait un pas de deux avec l'un des mythes fondateurs. Je me suis régalée -oui, un régal, vraiment, à m'en lécher les babines pendant la lecture- de la dernière nouvelle ayant un putsch dans son viseur, étalant la bassesse et la vulgarité des hommes qui prennent le pouvoir par la force, la bêtise des hommes de main. Et comment Carpentier arrive-t-il à rendre évidente sa comparaison évidente de l'éternité avec Donald Duck ?
Quatre nouvelles incroyablement différentes, témoignant du talent insolent de leur auteur. Une petite merveille pour deux tout petits euros.

jeudi 23 décembre 2010

Racines

Auteur : Alex Haley (1921-1992)

Editeur : J'ai lu
Le principe du "roman fleuve" m'évoque une histoire sur plusieurs générations. Alors j'ai pensé à Racines, roman de Alex Haley que j'ai lu lorsque j'étais adolescente, soit environ 25 ans. Ce livre m'a marqué au point de me souvenir encore aujourd'hui comme d'un « livre à lire ». Attention je ne l'ai pas relu depuis et je ne sais pas comment je le recevrais aujourd'hui. Mais je prends le risque de vous le faire partager et également de le relire.
Quelques recherches sur internet m'ont permis de voir qu'il est aujourd'hui accessible en poche et qu'il a aussi donné lieu à une version filmée. Peut-être l'avez vous vue ?
Ce roman est autobiographique. Au cours des années soixante, Alex Haley, un afro-américain, a appris de ses parents la tradition familiale qui rapporte que le premier esclave de la famille s’appelait Kunta Kinté. Retraité, Alex Haley entreprend de longues recherches pour retrouver la trace de son ancêtre l' « Africain ». L'histoire commence avec la naissance de Kunta Kinté au XVIII ème siècle en Gambie. Nous suivons ensuite à travers 7 générations, l'histoire de l'esclavage et aussi en toile de fond celle de l'Amérique et de son rapport à cette question (guerre de sécession, Ku klux klan, …).

http://fr.wikipedia.org/wiki/Alex_Haley
http://www.dailymotion.com/video/x6c30k_extrait-de-racines-film-d-alex-hale_shortfilms

mercredi 22 décembre 2010

Terre d'exil et autres nouvelles

Auteur : Cesare Pavese (1908-1950)

Traduit de l'italien par Pierre Laroche
Éditions Gallimard
Collection Folio

Voici un tout petit livre ne contenant que trois nouvelles. Cesare Pavese -dont je n'avais jamais rien lu auparavant. Qui a déjà lu quoi ?- donne l'image de quelqu'un qui ne croit aucunement dans la possibilité d'une relation épanouissante entre les hommes et les femmes. Même pas épanouissante, simplement positive. Même pas positive, simplement possible. A ne pas lire si l'on est dans un moment de doute quant à la possibilité de se comprendre, d'être dans une complicité et non dans une illusion de relation, si l'on broie du noir conjugal. Ces trois nouvelles n'arrivent en effet pas à offrir la moindre porte de sortie à leurs personnages souffrant de l'aveuglement, l'enfermement, l'isolement et la solitude.

Le talent de cet écrivain est puissant qui m'a fait souffrir les affres de ses histoires. J'aurais eu souvent besoin d'un peu d'air, d'espoir, de souffle. Besoin de repousser la grande violence entre elle et lui, besoin de pousser les murs, ouvrir les champs du possible. Quelle puissance a le verbe de nous faire vivre symboliquement l'insuffisance respiratoire et la crise d'asthme littéraire...
Voici donc un livre qui nous enjoint d'arracher nos œillères, de labourer tant et plus, labourer sans relâche le terreau humain, les relations entre ces deux êtres étonnants, si proches et si éloignés que sont la femme et l'homme.

La cathédrale de la mer

Auteur : Ildefonso Falcones (1959)

   Barcelonais de naissance, Ildefonso Falcones vit toujours dans la capitale catalane, où il exerce la profession d'avocat. Grand lecteur et fin connaisseur de l'Espagne médiévale, il a consacré dix années à l'écriture de La cathédrale de la mer (600 page, Editions Laffont), son premier roman, qui lui vaut une renommée internationale (2 millions d’exemplaires, traduit dans 35 pays)

Un roman historique se déroulant au XIVe siècle et ayant pour toile de fond la construction d'une cathédrale Santa Maria del Mar, à Barcelone.
Rien à voir avec les Piliers de la terre (Ken Follett) ; ce roman d’aventure posé sur une large trame historique (5 ans de documentation) nous fait suivre la vie d'Arnau Estanyol, fils de serf exilé, qui deviendra avec le temps l'un des personnages les plus importants de la capitale catalane.
Cette histoire d'Arnau est le fruit des rencontres qu'il fera au cours des soixante ans que dure ce récit. Chaque épisode est l'occasion pour Ildefonso Falcones de décrire les modes de vies, les us et les coutumes, le fonctionnement de chaque couche de la société féodale et commerçante, et le poids de l’église avec ses inquisiteurs. Arnau fait face à un destin hors du commun : carrière, amour, trahison, vengeance... tous les éléments sont présents pour faire de La Cathédrale de la mer un roman d'aventure haletant.
J’ai dévoré ce roman qui pourtant fait souvent froid dans le dos tant la violence des mœurs de l’époque est prégnante et tant la corruption pèse par son omniprésence… Heureusement que les parodies de justice qui passionnent tant l’avocat Ildefonso Falcones n’existent plus de nos jours !....


http://www.biblioblog.fr/post/2009/08/04/La-cathedrale-de-la-mer-Ildefonso-Falcones

http://www.partagelecture.com/t3295-ildefonso-falcones-presentation-de-l-auteur

vendredi 3 décembre 2010

De la part de la Princesse morte

Auteur : Kénizé Mourad (1939)

Editeur : Le Livre de Poche

C'est un livre à la fois passionnant et émouvant, qui nous conduit sur les traces de la dernière princesse ottomane : Selma.
Une page d'histoire intéressante qui débute en 1918 avec le déclin de l'empire ottoman et l'exil de la famille impériale au Liban. Selma vivra en Indes sous la domination coloniale, puis terminera sa vie en l'Europe dans les années d'avant guerre. Elle meurt peu de temps après la naissance de sa fille qui est l'auteure de ce livre.
Kénizé Mourad retrace la vie de sa mère et c'est avec passion que j'ai suivi ce personnage aux multiples facettes, ses révoltes, ses déceptions, ses espoirs et ses amours.



http://www.lalivrophile.net/de-la-part-de-la-princesse-morte-de-kenize-mourad.html



mercredi 17 novembre 2010

Histoire de la princesse de Montpensier

Auteur : Madame de Lafayette (1634-1693)

Editions Gallimard
Collection Folio
Notre actuel Président de la République avait, il y a quelques temps, mis au dégoût du jour la grande et fine plume de Mme de Lafayette en estimant suranné son merveilleux roman "La princesse de Clèves".
Aujourd'hui le Tavernier l'a remise au menu avec "La princesse de Montpensier", toile qui s'étire sur près de deux heures, ce qui représente une performance d'élasticité littéraire très remarquable pour les seules 44 pages format poche de l'oeuvre originale et pour produire finalement ce que je classerais, à l'instar du Canard Enchaîné, entre "on peut ne pas voir" et "on peut voir à la rigueur". Le jugement est personnel, évidemment, et ce nonobstant de magnifiques costumes, une Montpensier bien charmante (plus gironde, messeigneurs, à l'écran que l'illustration perlée ci jointe) et un Lambert Wilson aussi à l'aise dans le rôle d'un huguenot repenti que dans celui d'un prieur de Tibéhirine.
Ayant gardé depuis toujours une grande fascination pour Clèves, je me suis demandé pourquoi je ne retrouvais pas la magie du style dans les dialogues et les scènes de Montpensier.
Je me suis donc procuré ce petit volume. A 2€ chez folio pourquoi se priver ?
A l'évidence, vous aurez compris depuis le début, je le recommande plus que le film. Le lecteur lafayettiste impénitent retrouvera cette extrême concision dans l'expression des passions et de leur violence, ces phrases ciselées et balancées, l'usage merveilleux des verbes et de leurs conjugaisons. Et il gagnera environ une heure de sa vie et environ 5€ par rapport au tarif moyen des salles de cinéma.
L'histoire ? L'amour impossible, ils s'aiment, le découvrent peu à peu, ne peuvent s'en défendre, essayent de le cacher, n'y parviennent pas. La fin sera tragique, vous vous en doutez. Surtout pour elle. Parce que lui s'en tirera bien, nous sommes au seizième siècle évidemment.
Deux autres nouvelles accompagnent celle-ci. On peut lire la Comtesse de Tende pour le style ou s'arrêter là si on a autre chose à faire.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_de_La_Fayette

http://www.lafontaine.net/lafontaine/lafontaine.php?id=29

http://melisender.over-blog.com/article-la-princesse-de-montpensier-de-mme-de-lafayette-50147877.html

Dernier train pour Buenos Aires

Auteur : Hernán Ronsino (1975-)

Traduit de l'espagnol (Argentine) par Dominique Lepreux
Editions Liana Lévi

Dans la catégorie nouvelles mais un peu à la frontière du roman, disons "récits courts et intenses" comme l'indique le nom de la collection de ce petit livre, dont peu de gens connaissent l'auteur, Hernàn (accentuez vigoureusement sur le a de Hernàn) RONSINO, je propose à la collectivité de se plonger dans DERNIER TRAIN POUR BUENOS AIRES, titre dont j'avais relevé l'existence dans un supplément " Argentine" des pages littéraires du Monde, car Sophie et moi y partons prochainement pour y retrouver notre fille et souhaitions nous acculturer un peu avant le départ.

Le lecteur expérimenté y retrouva quelques ingrédients déjà goûtés dans " Les pieds dans la boue". Pas de futur, peu de passé hormis celui, non dit, des années de dictature. La pampa,la chaleur, trois copains dont on voit la vie s'étirer au rythme de séquences historiques que l'éditeur a pris soin de rappeler en fin de volume.

Et au centre de tout ça, la Negra Miranda aux jambes sublimes...mais là je n'en dis pas plus, à vous de découvrir l'horrible (eh oui, encore !) histoire dont l'auteur nous dévoile la clé à la fin en bon maître du genre.

L'éditeur, Liana Lévi se trouve aussi inconnu que son auteur, il vous fait payer les 90 pages au prix de 12 €, ce qui fait un peu cher à la ligne, mais c'est bien imprimé, le papier sent bon et en couverture vous avez les chevilles de la Negra Miranda.



dimanche 14 novembre 2010

Les Thibault

Auteur : Roger Martin du Gard (1881-1958)

Trois tomes
Editions Folio

Le premier roman-fleuve que notre blog soumet à votre choix est cette magnifique fresque des Thibault écrite par Roger Martin du Gard (1881-1957) qui a reçu le Prix Nobel de littérature en 1937. J'ai dévoré les trois tomes il y a environ trente ans, à une période ma vie où il fallait absolument que je lise des bouquins sur les deux guerres mondiales, que je m'approche au plus près de mes ancêtres. En fait, c'est moi qui fus dévorée, retournée comme une crêpe par ce chef-d'oeuvre de la littérature. Je l'ai relu il y a quelques années et l'éblouissement a de nouveau été total, profond, violent. Jacques et Antoine sont devenus mes cousins, mes frères décimés. Il m'a semblé vivre chaque scène dans ma chair, tant ce livre est vrai dans son témoignage historique et psychologique. Quelle émotion ! Quelle expérience !

Nous sommes aujourd'hui le dimanche 14 novembre, à la fin d'un long week-end qui a débuté avec le 11 novembre. Plus le temps passe, plus ces morts sont proches, le grand-père blessé de Michel, décoré de la bataille de Verdun, Edmond le frère de ma grand-mère Thérèse, mort le 13 août 1918, et les cinq frères Guyomard dont l'histoire a été relatée dans l'édition du Trégor de cette semaine et dont les trois soeurs sont en vain venues à la sous-préfecture de Lannion pour essayer de sauver le 5e, seul fragile et ponctuel survivant de la boucherie.
Les trois tomes des Thibault ne nous plongent pas dans les tranchées. Ils suivent la trajectoire de deux frères que tout oppose à partir de l'adolescence du plus jeune, Jacques. Ils nous plongent dans leur vie écourtée, nous font espérer de leurs espoirs, aimer avec leurs amours, nous révolter par leurs révoltes, pleurer les larmes de leurs pleurs.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Martin_du_Gard

http://www.evene.fr/celebre/biographie/roger-martin-du-gard-701.php

http://www.fichesdelecture.com/auteur/biographie/379-roger-martin-du-gard/

http://www.alalettre.com/martin-du-gard-oeuvres-les-thibault.php

http://www.fabula.org/colloques/document737.php

http://lalignedeforce.wordpress.com/2012/04/16/un-roman-les-thibault-de-roger-martin-du-gard-2/

Histoires sur un mode presque classique

Auteur : Harold Brodkey

Traduction de l'américain par Michel Lederer

Editions Grasset


Il semble bien que ce livre jusqu'alors épuisé soit à nouveau disponible. Quelle excellente nouvelle ! J'ai pour ma part commencé par lire ce premier tome (Ange étant le tome 2) qui m'a immédiatement subjuguée par l'originalité de son écriture à coeur ouvert. Aucun fard, aucun écran, aucune distance entre l'écrivain et le lecteur à qui il confie des pans entiers de son enfance et sa jeunesse, de son intimité, sa béance, son inadaptation à la vie. Harold Brodkey m'a parlé avec une telle confiance qu'il m'a bouleversée de fond en comble. J'ai l'impression d'être devenue son amie. Cet ami américain est mort des complications du SIDA le 26 janvier 1996 à Manhattan.

http://www.luxiotte.net/liseurs/livres2001a/brodkey.htm

Contes carnivores

Auteur : Bernard Quiriny (1978-)

Editions Points

http://livres.tv/video,bernard-quiriny,contes-carnivores,nx080519112237160.html

Deux semaines après la présentation aussi talentueuse qu'humoristique de Jean, tout d’abord bernée par une légèreté euphorisante, je me suis laissée entraîner au loin sans appréhension. Alors que je barbotais et folâtrais sans avoir pied, j'ai lentement été emportée par le courant souterrain et bientôt submergée par l'angoisse rampante de ce livre. Les questions actuelles cruciales y  sont reines : le tandem amour & mort, la bioéthique, le trio pollution, esthétique et morale, le geste et l’avant-garde artistiques. Dans ce recueil, on se fait volontairement assassiner et on expose le résultat sous prétexte d’acte artistique total. On jubile des catastrophes environnementales. On a deux voire trois corps facétieux. Ou encore une peau d’orange qu’on pèle pour un acte amoureux unique. Hormis quelques très courts textes concernant ce Pierre Gould surgissant ici et là sans crier gare, j’ai été très sensible à l’écriture dynamique et au style grinçant. Mais la légèreté est feinte et l’humour très noir. Le SIDA me semble rôder dans la nouvelle Sanguine, le clonage être tapi ça et là, certains courants artistiques dominants malmener la sensibilité comme la raison, la confusion être aussi totale que l’incompréhension entre les hommes qui intervertissent les mots, l’humanité devenir « sourde » et se délivrer de cette « absurdité » par une cuite à vie. On rit puis on tressaille. Une très belle découverte que ce livre mille-feuilles. Merci Sophie et Jean !
Isabelle

Vous trouverez grâce au lien suivant les émissions que France Culture a consacrées à Bernard Quiriny :



lundi 25 octobre 2010

Los boys

Auteur : Junot Díaz (1968)

Traduit de l'américain par Rémy Lambrechts
Edition 10/18

Quelle vigueur ! Quelle énergie malgré la misère, malgré le malheur. Ces nouvelles nous font cotoyer des gamins de Saint-Domingue. Nous les font aimer, détester, haïr, apprécier, nous font nous y attacher malgré tout. J'ai cependant failli arrêter après la première nouvelle qui m'a semblé d'une insupportable cruauté. Que ma vie me paraît douce, quelle chance de manger chaque jour, quelle chance de ne pas avoir attendu en vain mon père émigré aux Etats-Unis.

La photo de la couverture est excellemment choisie : un jeune garçon -est-il encore un enfant avec sa part d'innocence, est-il déjà un jeune homme avec toute sa vigueur, sa force, sa brutalité peut-être ?- fait face, un oiseau dans la main, un sourire énigmatique sur le visage. Quelque chose attend, quelque chose est en suspens. Violence ? Délivrance ?

Un recueil-lien avec Saint-Domingue que je suis très heureuse d'avoir dans ma bibliothèque.

Isabelle



mardi 7 septembre 2010

Au lecteur précoce

Auteur : Claude Pujade-Renaud (1932)

Editions Actes Sud
Collection Babel
Liste 4, off


Il pleut ce soir sur mon bout de Bretagne et la première nouvelle de ce recueil se nomme Mourir à petite pluie. Comme la plupart des suivantes, elle se nourrit d'une histoire recélant sa part d'ambiguité, de zone d'ombre, de friches. Est-ce les histoires qui ont plusieurs fois provoqué mon malaise ? Est-ce la séduction que semblent exercer les situations opaques sur l'écrivain ? Est-ce son style hétérogène, parfois recherché, parfois terne, parfois cru ? Est-ce la violence sourde des non-dits ou des dits ? Je ne saurais dire. Toujours est-il que ce livre me donne une impression assez désagréable d'eaux troubles dont je ne sais dire si elles sont maîtrisées ou non, si l'auteur en est le maître ou le jouet et si le lecteur n'en est pas devenu un voyeur ou un prisonnier. Je crains qu'un tel commentaire ne vous incite pas à plonger les yeux et le cerveau dans ce recueil. Pourtant, j'aimerais beaucoup avoir votre avis. Claude Pujade-Renaud est une femme, ancienne danseuse dans une célèbre compagnie de danse contemporaine. Elle a dédicacé ses livres chez Gwalarn il y a quelques semaines. Sur la table réservée aux coups de coeur de nos libraires préférés, son dernier roman figure en très bonne place.

http://calounet.pagesperso-orange.fr/biographies/pujaderenaud_biographie.htm

http://ecrits-vains.com/romanciers/pujade_renaud/bibliographie.html

http://livraire.net/2010/01/13/les-femmes-du-braconnier-claude-pujade-renaud/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Pujade-Renaud

lundi 6 septembre 2010

Esclaves de l'amour

Auteur : Knut Hamsun (1859-1952)

Traduction du norvégien par Régis Boyer
Editions du Livre de poche


Ces magnifiques nouvelles ont su retourner en leur faveur la lecture préalable d'éléments biographiques de Knut Hamsun, éléments qui m'avaient considérablement refroidie. Je me suis laissé gagner par l'immense art de ce conteur qui use -sans en abuser- des ressorts du rythme des mots et des phrases, de la dissimulation de certains éléments, du mystère des êtres. Tout est vivant, tout est surprenant, plein de possibilités infinies; presque sauvages. Je raffole de la nouvelle A Blåmandsø. Plusieurs mois après la lecture de ce recueil, cette nouvelle reste très présente dans mes pensées. Elle est un drame, une tragédie de la déception amoureuse, de la possession. Le titre est très bien trouvé qui voit les personnages de ce recueil prisonniers des filets de leurs attirances amouresues, de ces attirances qui illuminent et/ou détruisent des vies, qui renversent les conventions, font craquer les barrages de la morale et céder les pires interdits. Il s'agit bien du recueil d'un auteur très talentueux et très inquiétant
Voici donc dans ce blog un autre représentant du Prix Nobel de littérature, qu'il a reçu en 1920.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Knut_Hamsun

http://www.hamsun.dk/fr/hamsun_biografi.html

http://www.lexpress.fr/culture/livre/sur-les-traces-de-l-ecrivain-knut-hamsun-nobel-et-nazi_851364.html

http://www.gaia-editions.com/index.php?option=com_content&view=article&id=374:knut-hamsun-reveur-et-conquerant&catid=12:catalogue-general&Itemid=6

http://calounet.pagesperso-orange.fr/biographies/hamsun_biographie.htm

Le Cuisinier, la belle et les dormeurs

Auteur : Radhika Jha (1970-)

Nouvelles traduites de l'anglais (Inde) par Simone Manceau
Editions Picquier

Voici trois nouvelles misant sur l'ambiguïté des situations, le doute, la zone fragile où la réalité est incertaine et fragile. Tout s'éclaircira et nos supputations seront battues en brèche. Cet art de l'équilibre est séduisant mais il ne remplace pas pour moi les qualités de style que je trouve ici trop relâché, voire pauvre parfois. -Quel est le rôle de la traductrice ?- Cependant, la deuxième nouvelle traitant de l'attirance, du leurre et des pièges de la beauté plastique m'a  intéressée quand la troisième centrée sur le fanatisme et le cynisme m'a bel et bien inquiétée.
Je profite de l'occasion pour saluer l'action de l'éditeur Philippe Picquier, qui sans relâche met à notre portée la littérature de l'Asie, ouvre notre champ de connaissance et de plaisir littéraire.

Isabelle

http://www.etonnants-voyageurs.com/spip.php?article659

http://www.lescinqcontinents.com/infos/index.php?2011/03/07/439-rhadika-jha-a-montpellier

http://calounet.pagesperso-orange.fr/resumes_livres/jha_resume/jha_odeur.htm

http://www.20mars.francophonie.org/4526-Danse-Odissi-et-danse-contemporaine

http://clubdesrats.forumr.net/t1650-radhika-jha-inde

dimanche 5 septembre 2010

La fascination de l'étang

Auteur : Virginia Woolf (1882-1941)

Traduction de l'anglais par Josée Kamoun
Editions du Seuil

Je suis depuis des mois et des mois dans la lecture laborieuse de ce recueil-ci. Des nouvelles qui paraissent être des tubes à essai, des expériences formelles, tout au moins pour les premières. Bien intéressant sans doute mais je n'arrive pour l'instant pas à m'accrocher. Et pourtant, le nom de Virginia Woolf devrait m'encourager. A suivre, donc !

Isabelle

Les nouvelles de Pétersbourg

Auteur : Nikolaï Gogol (1809-1852)

Traduction du russe par André Markowicz
Editions Actes Sud
Collection Babel

Quel délice ce fut pour moi, le temps d'un livre fascinant, le temps d'un retour en train de Strasbourg à Lannion, d'approcher l'âme russe, de frôler la folie toute particulière de ce peuple. Tout m'a semblé si vivant, si proche. Gogol, cependant, m'a inquiétée plus d'une fois : cette manière d'écrire singulière par laquelle j'ai souvent eu l'impression d'avoir moi-même vécu les situations, d'avoir assité aux différentes scènes, d'en avoir été le témoin voire la protagoniste, m'a fait toucher du doigt ma propre folie : comment puis-je ressentir jusqu'au vertige que cet écrivain russe du 19e siècle raconte ce que j'ai vécu ? Comment me connaît-il à ce point ? Par quel mystère ces nouvelles de Pétersbourg deviennent universelles et si personnelles ?

Gogol m'a fait penser à Romain Gary, cet autre écrivain de l'Est, né à Vilnius quand le premier est né en Ukraine. Leur sens diabolique de l'observation, leur tendresse pour l'humanité enfouie sous des couches de cycnisme ou de désespoir, leur crânerie devant la médiocrité et la bassesse humaines, leur énergie communicative m'ont procuré une jubilation du début à la fin. Merci Christophe et Catherine !

Isabelle

http://www.fichesdelecture.com/auteur/biographie/117-nicolas-gogol/

http://www.babelio.com/livres/Gogol-Nouvelles-de-Petersbourg/3107

http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/gogol-nicolas-le-manteau.html

Nouvelles

Auteur : Jérôme David Salinger (1919-2010)

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Baptiste Rossi
Editions Pocket

Si je l'avais déniché auparavant et bien qu'il aurait alors immanquablement alourdi le nombre déjà remarquable d'auteurs américains et le nombre légèrement supérieur à l'autre d'auteurs de sexe masculin, voilà un livre qui aurait à coup sûr fait partie de l'une des trois listes originelles -et sans doute pas la troisième.

J'espère par ces lignes vous encourager à lire ces neuf nouvelles qui, malgré la brièveté caractéristique du genre, m'ont fait m'attacher à la plupart des personnages. En faisant parler ceux-ci avec une sincérité bouleversante, Salinger dévoile ses blessures et sa sensibilité sans pudeur. A l'approche de ces êtres, j'ai été irradiée par la force de leur présence, de leur histoire, de leurs fêlures, de leurs espoirs, de ce qui leur donne ou non la force d'affronter leur destin jour après jour.

La plupart des adultes ont pris l'habitude d'interposer entre eux et leurs semblables des écrans de protection ou de mystification pour paraître plus sérieux, invulnérables ou/et attirants. Ces écrans ne font que les éloigner les uns des autres. La plupart des personnages de Salinger ne tombe pas dans ces pièges et s'expose sans fard et sans faux-semblant. La préface analyse avec beaucoup de finesse et d'intelligence ce corpus de nouvelles. Elle aborde ce sujet du changement qui intervient au moment du passage à l'âge adulte : "Tout se passe comme si, pour la plupart des êtres, entre la fin de l'adolescence et le commencement de l'âge adulte, quelque chose était irrémédiablement perdu : une certaine qualité morale. [...] Les jeunes gens parviennent quelquefois à garder un lien avec l'enfance : sûr critère de valeur humaine. Les personnages sympathiques de Salinger sont ceux qui savent être à l'aise avec les enfants, de plain-pied avec eux." Il me semble que ce livre encourage à sauvegarder la part d'enfance en nous et le double lien de légèreté et de gravité avec les enfants.

Dans sa préface, Jean-Louis Curtis revient également beaucoup mieux que je ne pourrais le faire sur certaines critiques adressées à leur auteur : "Quant au reproche de narcissisme et d'acrobatie -eh bien, tous les artistes sont plus ou moins narcissistes, et l'acrobatie, à n'en pas douter, est plus recommandable que la lourdeur. On est un peu fatigué d'entendre parler avec condescendance [...] de ces qualités artistiques que sont l'habileté, l'adresse, la maîtrise et leur forme extrême, la virtuosité. Il ne m'apparaît pas qu'elles soient si répandues ; et je n'ai jamais admis la traditionnelle antithèse qui les oppose nécessairement à la profondeur, au sérieux." Voilà, c'est dit !

Isabelle

La vierge froide et autres racontars

Auteur : Jørn Riel

Traduction du danois par Suzanne Juul et Bernard Saint Bonnet
Editions 10/18
Collection Domaine étranger


Voici donc la première série de ces merveilleux et indispensables racontars, Safari arctique étant le titre du 2e tome. Où l'on apprend que parler est, dans le Grand Nord comme ailleurs, le plus sûr moyen pour lutter contre le suicide, comment Emma a surgi dans le Groenland et comment on anéantit par la suspension dans le vide et le froid les velléités d'un lieutenant autoritaire et zélé. Ces récits impayables donnent un immense plaisir de lecture, un plaisir inédit, vif, rafraîchissant et unique. Le dernier frôle le genre fantastique. Il m'a presque fait peur. Chers complices, comment comprenez-vous la fin ?

Isabelle

Le contraire de un

Auteur : Erri de Luca (1950-)

Traduction de l'italien par Danièle Valin
Editions Folio Gallimard

J'ai lu et relu avec un indicible bonheur et une joie sans mélange Francis Ponge dans son obsession de l'expression juste, sa rage à nous offrir avec des mots le mimosa ou la forêt de pins. Il me sembla alors que nul autre ne pourrait plus me donner une forêt de pins aussi proche, aussi intime, aussi réelle ni vivante, ni vraie.

Francis Poulenc (encore un Francis que j'aime, ô combien) a mis en musique quelques poèmes de Max Jacob extraits des Poèmes de Morven le Gaëlique. Je pensai alors que plus personne ne pourrait se confronter musicalement à ces textes avec un si grand bonheur tant la réussite était éclatante, transcendante. Paul Le Flem l'a fait, avec une puissance et une profondeur égales. J'en reste confondue.

Erri de Luca s'est donc attaqué au bois de sapins des montagnes, dans un texte absolument bouleversant qui parle de deux mains réunies à l'abri des regards durant quelques instants fugitifs. Mains réunies sous une couverture durant un trajet en voiture. Moment unique de communion intime entre deux êtres qui s'aiment.

Cette nouvelle qui m'a fait pleurer au retour de Venise dans l'aéroport Marco Polo, à côté de nos trois filles esbaudies à la contemplation et l'appréciation des jeunes mâles défilant devant leurs yeux pour gagner l'avion, cette nouvelle donc, s'apelle La conjonction et. Il s'agit de l'avant-dernier texte d'un recueil d'un homme dont le cœur occupe quasiment tout le corps, la maigre place restante étant une main pour écrire.

Merci, merci à Julie et sa maman Christine qui m'ont fait découvrir ce recueil indispensable, urgent.

Isabelle

http://fr.wikipedia.org/wiki/Erri_De_Luca

http://calounet.pagesperso-orange.fr/biographies/deluca_biographie.htm

http://www.lexpress.fr/culture/livre/erri-de-luca-le-revolte_899258.html

http://www.franceculture.fr/emission-erri-de-luca-2010-05-06.html

http://calounet.pagesperso-orange.fr/resumes_livres/deluca_resume/deluca_contrairedeun.htm

http://www.dailymotion.com/video/xf29j7_erri-de-luca-le-contraire-de-un_news

C'est égal

Auteur : Agota Kristof  (1935-2011)

Nicole, fidèle parmi les fidèles de ce blog, propose ce recueil dont voici l'article :

Une amie m'a prêté un recueil de nouvelles très courtes dont je suggère la lecture. Il s'agit de C'est égal d'Agota Kristof. Certains textes sont très sombres, reflets de la nostalgie et des difficultés de cette Hongroise exilée en Suisse et qui écrit en français. La partie centrale du recueil m'a particulièrement séduite. Avec humour souvent ou d'une plume acérée, elle dénonce les comportements des hommes et femmes d'aujourd'hui. "L'invitation" est à mettre sous les yeux de bon nombre d'hommes", c'est mon côté MLF qui réagit. "La campagne", "Les faux numéros" : idées géniales ! Mais mon commentaire n'est, bien sûr, qu'une suggestion.

Nicole

http://fr.wikipedia.org/wiki/Agota_Kristof

http://www.magazine-litteraire.com/content/rss/article?id=19694

http://www.culturactif.ch/livredumois/mai05kristof.htm

A contre-sens

Auteur : Noëlle Châtelet

Editions Gallimard

Voici un recueil pour lequel Nicole (oui, LA Nicole des commentaires qui est aussi la Nicole du Christophe des commentaires) nous invite à la dégustation. Mettez vos serviettes et lavez-vous les mains en refermant le livre !


Isabelle, je viens de lire un recueil de cinq nouvelles intitulé A contre-sens de Noëlle Châtelet. Le sujet de chaque nouvelle est un des cinq sens. La première sur l'odorat est particulièrement réussie, la dernière sur le goût est une idée très originale, la troisième sur l'ouïe est très émouvante ; j'ai moins accroché aux deux autres, mais "des goûts et des couleurs" ... on pourra peut-être discuter si ce recueil tente des lecteurs !

Nicole

Le ver dans la pomme

Auteur : John Cheever (1912-1982)

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Dominique Mainard
Editions Joëlle Losfeld

Très bel objet vert pomme et magnique recueil rempli de nouvelles acidulées, ironiques, fantaisistes et drôles (penser à se vider la vessie avant Un garçon à Rome, vous êtes prévenus !).

Qu'ils soient en vacances, dans leur quotidien ou sur le long fil tendu de leur vie, en Amérique ou en exil en Italie, les personnages vont et viennent, essaient de comprendre le ressort de leur existence et trouver les réponses aux questions que la vie leur pose, sans souci pour le photographe Cheever qui les traque sans relâche. Celui-ci garde une distance respectueuse, empreinte de tendresse et d'humour.

Et moi, comment m'aurait-il croquée ?

Isabelle

Toba Tek Singh et autres nouvelles


Auteur : Saadat Hasan Manto

Traduction de l'ourdou par Alain Désoulières
Editions Buchet Chastel

Si j'en crois le commentaire que Michel a laissé à propos du livre d'Annie Proulx, Les pieds dans la boue, la lecture de Toba Tek Singh n'est pas recommandée le dimanche soir, au moment où un bourdon tenace s'installe à l'idée de reprendre la semaine, ni en période de météorologie obstinément maussade. J'ai donc attendu d'être hors de portée des nuages costarmoricains pour fourrer le nez dans ce volume consacré à l'Inde. Quelle liberté de ton, quelle audace ! Je comprends que Manto fût inquiété par la censure. Beaucoup de nouvelles traitent des relations entre hommes et femmes. La plume de Manto fait mouche sans coup férir et chacun est passé au rayon laser. L'auteur consacre encore plus d'énergie au drame de la partition entre l'Inde et le Pakistan en 1947. L'écrivain est en première ligne pour nous témoigner comment les vies sont broyées et comment l'homme massacre l'homme.

La nouvelle a cela de remarquable qu'on peut y supporter des récits qui seraient insupportables si l'on avait le temps de s'attacher aux personnages.

Grâce à ce livre, j'ai découvert un pays, un morceau d'histoire de ce pays à travers des destins personnels puissants ou banals. J'ai été très touchée par le style de Manto, sa lucidité, son courage devant l'horreur et le désespoir. Je me suis attachée à cet auteur, si bien que, comme pour Laurie l'Américaine des nouvelles policières et l'Italien Mario Rigoni Stern dans son merveilleux livre Sentiers sous la neige, parvenir à la dernière page m'a causé une petite peine.
Merci, l'Ensemble vocal !

Isabelle

Sentiers sous la neige


Auteur : Mario Rigoni Stern (1921-2008)

Traduction de l'italien par Monique Baccelli
Editions 10/18
Collection Domaine étranger



C'est Alain qui m'a conseillé cet auteur. Ah, cet Alain…, j'ai pleuré à la fin de quasiment toutes les nouvelles du recueil. Pleuré d'une émotion particulière, profonde, grave et recueillie. Exceptée la première, chaque nouvelle est une variation sur le paradis terrestre de l'homme qu'est la nature, ou plutôt sur la relation harmonieuse de l'auteur avec la nature, cette nature et ce pays lui procurant la félicité. Mario Rigoni Stern ne parle que très peu de lui. Il écrit sur la nature qui l'entoure et sa manière si personnelle de raconter m'a fait éprouver une nostalgie très profonde. Comme si je me rappelais que j'avais, il y a longtemps, moi aussi vécu en harmonie avec les arbres et les animaux. À part dans les nouvelles 2 & 3 qui m'ont semblé plus anodines, j'ai eu constamment l'impression d'être à côté de l'auteur, dans son intimité, ses découvertes, ses pérégrinations, dans la chaleur de son humanité. Qu'il parle des noms des différents états de la neige, du petit oiseau recueilli, nourri et caressé, des deux chiens errants, il porte le regard d'un homme sage, humble, en accord avec lui-même et les autres. La paix qui se dégage de cet homme est si bienfaisante ! Elle rayonne par-delà les kilomètres, le temps et l'absence.

Le 3e personnage du livre -et le pendant de la paix- est la guerre. Après la félicité de la nature, la guerre se présente comme le visage hideux de l'enfer. La première nouvelle est un monument d'héroïsme sans tambour ni trompette, de miracle d'une détermination sans faille. Elle m'a laissée bouleversée et pantelante.

J'ai évidemment maintenant envie d'aller découvrir les Dolomites, Asiago et ses environs. Mais la qualité de présence, la conscience et l'éveil qui irradient cette écriture ne sont pas le seul fait d'un lieu mais plutôt celui d'un homme de l'ancien monde, un homme véritablement hors du commun.

Isabelle

http://www.telerama.fr/livre/mario-rigoni-stern-le-soldat-qui-lisait-dante,30532.php

http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-rigonistern.html

http://www.initiales.org/visuels/pdf/rigoni.pdf

http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20080618.BIB1539/mario-rigoni-stern-un-grand-d-italie.html