“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

lundi 25 octobre 2010

Los boys

Auteur : Junot Díaz (1968)

Traduit de l'américain par Rémy Lambrechts
Edition 10/18

Quelle vigueur ! Quelle énergie malgré la misère, malgré le malheur. Ces nouvelles nous font cotoyer des gamins de Saint-Domingue. Nous les font aimer, détester, haïr, apprécier, nous font nous y attacher malgré tout. J'ai cependant failli arrêter après la première nouvelle qui m'a semblé d'une insupportable cruauté. Que ma vie me paraît douce, quelle chance de manger chaque jour, quelle chance de ne pas avoir attendu en vain mon père émigré aux Etats-Unis.

La photo de la couverture est excellemment choisie : un jeune garçon -est-il encore un enfant avec sa part d'innocence, est-il déjà un jeune homme avec toute sa vigueur, sa force, sa brutalité peut-être ?- fait face, un oiseau dans la main, un sourire énigmatique sur le visage. Quelque chose attend, quelque chose est en suspens. Violence ? Délivrance ?

Un recueil-lien avec Saint-Domingue que je suis très heureuse d'avoir dans ma bibliothèque.

Isabelle



1 commentaire:

  1. Voici un commentaire de Yann Martel :
    Los Boys est un recueil de dix nouvelles qui font de six à trente-neuf pages. C’est la première fois que je vous envoie des nouvelles. Vous verrez que l’expérience de lecture est différente de celle d’un roman. On change plus souvent d’embrayage, pour ainsi dire. Díaz est un Dominicano-Américain et ses histoires racontent ce qu’un trait d’union signifie pour le sens de l’identité de quelqu’un, ce en quoi il peut être un fossé, un rêve, une tension, une perte. L’anglais du livre est parsemé d’espagnol, le ton est oral et informel, les personnages sont vulgaires et touchants. C’est un univers où les enfants sont laissés à eux-mêmes, où il n’y a pas d’argent et pas de père, pas d’emploi et pas d’espoir, rien que des rues, des mères accablées, des drogues et des relations instables.
    Alors en quoi est-ce que ces nouvelles vous aideront à élargir votre quiétude, me demanderez-vous, la quiétude nécessaire pour examiner adéquatement sa propre vie? Il est possible que la réponse se trouve dans ce passage de la nouvelle “Boyfriend”, au sujet d’un couple qui se sépare. L’homme vient à quelques reprises chercher ses affaires :
    Elle le laissait la baiser à chaque fois, en espérant que ça le ferait peut-être rester mais vous savez, quand on réussit à s’évader à une certaine allure, y’a pas de manœuvre qui vous empêche de partir. Je les écoutais faire leur putain de truc et je me disais : Vraiment, y’a rien de plus minable que ces baises d’adieu.
    À la surface, c’est dur. En dessous, ce sont blessures et questionnements. Les humains sont des humains, ils essaient de s’en tirer et de donner un sens aux choses. Quel que soit le langage ou la pose, le besoin de quiétude est le même.

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