“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

dimanche 5 septembre 2010

Nouvelles

Auteur : Jérôme David Salinger (1919-2010)

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Baptiste Rossi
Editions Pocket

Si je l'avais déniché auparavant et bien qu'il aurait alors immanquablement alourdi le nombre déjà remarquable d'auteurs américains et le nombre légèrement supérieur à l'autre d'auteurs de sexe masculin, voilà un livre qui aurait à coup sûr fait partie de l'une des trois listes originelles -et sans doute pas la troisième.

J'espère par ces lignes vous encourager à lire ces neuf nouvelles qui, malgré la brièveté caractéristique du genre, m'ont fait m'attacher à la plupart des personnages. En faisant parler ceux-ci avec une sincérité bouleversante, Salinger dévoile ses blessures et sa sensibilité sans pudeur. A l'approche de ces êtres, j'ai été irradiée par la force de leur présence, de leur histoire, de leurs fêlures, de leurs espoirs, de ce qui leur donne ou non la force d'affronter leur destin jour après jour.

La plupart des adultes ont pris l'habitude d'interposer entre eux et leurs semblables des écrans de protection ou de mystification pour paraître plus sérieux, invulnérables ou/et attirants. Ces écrans ne font que les éloigner les uns des autres. La plupart des personnages de Salinger ne tombe pas dans ces pièges et s'expose sans fard et sans faux-semblant. La préface analyse avec beaucoup de finesse et d'intelligence ce corpus de nouvelles. Elle aborde ce sujet du changement qui intervient au moment du passage à l'âge adulte : "Tout se passe comme si, pour la plupart des êtres, entre la fin de l'adolescence et le commencement de l'âge adulte, quelque chose était irrémédiablement perdu : une certaine qualité morale. [...] Les jeunes gens parviennent quelquefois à garder un lien avec l'enfance : sûr critère de valeur humaine. Les personnages sympathiques de Salinger sont ceux qui savent être à l'aise avec les enfants, de plain-pied avec eux." Il me semble que ce livre encourage à sauvegarder la part d'enfance en nous et le double lien de légèreté et de gravité avec les enfants.

Dans sa préface, Jean-Louis Curtis revient également beaucoup mieux que je ne pourrais le faire sur certaines critiques adressées à leur auteur : "Quant au reproche de narcissisme et d'acrobatie -eh bien, tous les artistes sont plus ou moins narcissistes, et l'acrobatie, à n'en pas douter, est plus recommandable que la lourdeur. On est un peu fatigué d'entendre parler avec condescendance [...] de ces qualités artistiques que sont l'habileté, l'adresse, la maîtrise et leur forme extrême, la virtuosité. Il ne m'apparaît pas qu'elles soient si répandues ; et je n'ai jamais admis la traditionnelle antithèse qui les oppose nécessairement à la profondeur, au sérieux." Voilà, c'est dit !

Isabelle

2 commentaires:

  1. Je n’ai pas la même couverture, mais je suppose que nous parlons du même recueil (surtout maman à qui j’ai dû le prêter, nous nous passons joyeusement les livres de ce blog). Je l’ai lu voilà déjà un temps certain. Tant mieux, les souvenirs qui restent sont les garants de l’impact réel du livre. J’ai été conquis par la nouvelle où la maman tente de consoler son petit garçon. En enfant roi, me disais-je, quelle éducation imbécile. Puis j’ai finis par découvrir une maman attentive jusque dans sa moelle à une souffrance profonde de son enfant, une souffrance trop grande pour lui. Une capacité d’écoute noble qui s’élève au dessus des insultes sales entendues par le petit gars. Je me rappelle l’histoire de « l’homme hilare », quelle construction dramatique. La première nouvelle m’a parlé tout de suite, d’une manière générale, dans les nouvelles en rapport avec la guerre, on retrouve cette crudité qu’Isabelle relève dans Lao She : Là, la souffrance réelle, vécue de l’auteur rejaillit sur son texte. J’en veux à mort à son traducteur, qui n’est autre que Sébastien Japrisot (son nom d’écrivain), d’avoir suggéré un mystère dans la nouvelle qui commence par une partie de tennis. Pour ma part, je n’y ai rien compris de particulier : à vous les studios.

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  2. De Nicole P le 07/01/09

    La présentation du recueil par Isabelle est impressionnante de précision. Je serai plus laconique. J'ai bien cru abandonner ma lecture, il m'a été impossible d'apprécier les trois premières nouvelles, ni le sujet, ni la manière de l'interpréter ne réussissaient à capter mon attention. Mais j'ai malgré tout persévéré, et bien m'en a pris, car la quatrième m'a déjà plus intéressée, et j'ai beaucoup aimé les autres, sauf la dernière à laquelle cependant je concède un peu d'humour. J'aimerais avoir l'avis d'autres lecteurs du blog...

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