“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

dimanche 5 septembre 2010

La circulaire et autres racontars

Auteur : Jørn Riel

Traduction du danois par Suzanne Juul et Bernard Saint Bonnet
Edition : 10/18
Collection Domaine étranger

A la lecture des autres volumes de racontars, il me semblait que ces inoubliables trappeurs avaient trouvé LA manière d'arrêter le temps et son œuvre destructrice. Il n'en était rien. Dans ce volume, les hommes basés dans le nord-est du Groenland sont contraints de quitter leurs stations de l'Arctique. Jorn Riel nous met dans l'intimité de la réaction de chacun, de la nouvelle trajectoire qu'il donne à sa vie, rebondissement, bifurcation, révélation ou extinction. Malgré l'omniprésence de la cocasserie dans l'écriture, j'ai ressenti à quel point l'inéluctable départ était lourd. Ce volume m'a ramenée à la réalité, me rappelant que la littérature ne doit pas être un refuge d'où l'on évite de porter un regard sur le monde. L'Arctique se modifie en effet très vite et le niveau des glaces n'a jamais été aussi bas. Jørn Riel m'a demandé de ne pas faire l'autruche.

M'étant inscrite au Huitième Symposium mondial de musique chorale, j'avais glissé en juillet 2008 ce livre dans ma valise pour le Danemark. Je ne savais pas qu'il y était question de Copenhague où je passais une semaine. Un matin, installée pour lire dans le parc d'Orstedsparken, je lus le dernier racontar où il est fait mention du baiser d'Anton et de la grande fille rousse, baiser si voluptueux qu'il fait perdre l'équilibre au garçon. Je découvris de même la rue Stroget quelques heures après l'avoir rencontrée dans les pages. Et enfin, j'allai un jour au musée où je vis des bustes du sculpteur Carpeaux, dont celui de Marcellin Berthelot. Le collège de mon adolescence en Région parisienne portait son nom et je n'avais jamais su qui était cet homme. Le soir même de ma visite, j'en lus page 138 une courte notice. Quelle étrange sensation que celle d'être en phase temporelle et géographique avec ce livre. D'avoir les réponses à mes questions, il me semblait que j'étais à la bonne place et au bon moment. C'était terriblement excitant et presque inquiétant.

Pour finir, pouvez-vous lire en urgence ce qui arrive à Mads Madsen et me donner vos impressions ?

Isabelle

3 commentaires:

  1. Comme vous, c'est une drôle de douche froide (polaire) pour moi, que cet, forcément, ultime recueil des racontars du cercle polaire. Tu nous as bien eus, Jorn, avec ce petit éden congelé. Oui, on a cru qu'une humanité sans gravité était possible, aux extrèmes du monde. Une robinsonade collective. Je parlais dans un autre commentaire de l'humour de Borges, lié de près à la mort, nous y sommes aussi maintenant. La mort de Madsen est à l'image de la vie de nos héros, pragmatique. Il nous ont montré comment vivre en harmonie sans renoncer à leur propre nature (un peu, disons, rustre). En cela, ils restent intègres, malgré une morale un peu hétérodoxe. Paix à son âme. "Laissons tout aux morts, et cachons nos sanglots", tu ne dirais pas cela, Isabelle?Comme vous, c'est une drôle de douche froide (polaire) pour moi, que cet, forcément, ultime recueil des racontars du cercle polaire. Tu nous as bien eus, Jorn, avec ce petit éden congelé. Oui, on a cru qu'une humanité sans gravité était possible, aux extrèmes du monde. Une robinsonade collective. Je parlais dans un autre commentaire de l'humour de Borges, lié de près à la mort, nous y sommes aussi maintenant. La mort de Madsen est à l'image de la vie de nos héros, pragmatique. Il nous ont montré comment vivre en harmonie sans renoncer à leur propre nature (un peu, disons, rustre). En cela, ils restent intègres, malgré une morale un peu hétérodoxe. Paix à son âme. "Laissons tout aux morts, et cachons nos sanglots", tu ne dirais pas cela, Isabelle?

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  2. De Nicole le 31/03/08

    Je suis "triste", j'ai fini "un récit qui fait un beau visage" et je me vois obligée d'abandonner les héros de ces nouvelles si attachantes et surprenantes. Agojaraqest en larmes lance un dernier message pour Aviaja à ses pères qui l'envoient découvrir "la civilisation" et j'aimerais trop connaître la suite ! Existe-t-il un deuxième tome ? Quel régal, cette lecture, humour, dépaysement, sensibilité, poésie, suspense et quelle connaissance de l'âme humaine ! C'est tragi-comique, drôle, et pittoresque.

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  3. De Nicole le 09/10/08

    J'ai d'abord cru que la circulaire était un racontar sans fondement et que tous riraient de bon coeur de cette plaisanterie; las ! Dès le second chp, le ton change et je suis obligée de me rendre à l'évidence : l'administration ne plaisante pas et ne se préoccupe pas des conséquences de ses décisions. Dure école de la vie : on ne fait aucun cas de quelques bougres, les braves gars doivent se débrouiller seuls, un problème de réinsertion (c'est dans l'air du temps...), mais que l'on n'aurait pas imaginé dans ce milieu-là. Quant à l'histoire de Mad Madsen, elle montre bien les limites de l'amitié et les problèmes soulevés par l'euthanasie, il est dur d'aider les autres à mourir. Cependant on peut dans l'ensemble du recueil rire encore : heureusement. Je viens aussi d'achever le recueil "la maison des célibataires", un petit chef d'oeuvre: très, très drôle, avis aux amateurs de cet auteur que j'ai découvert grâce à ce blog, merci Isabelle.

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