“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

dimanche 5 septembre 2010

Petits contes de printemps

Auteur : Natsume Sôseki (1867, Edo-1916, Tokyo)



Traduction du japonais par Elisabeth Suetsugu
Editions Picquier

J'ai acheté ce livre à Nantes où j'encadrais un stage de direction de chœur pour des enseignants. Aucun problème avec les stagiaires mais une irréductible difficulté relationnelle avec la seconde formatrice. Le premier soir, je me suis réfugiée dans une librairie et j'ai été attirée par la couverture magnifique de ce livre, couverture sur laquelle figure une peinture représentant des iris bleus. Ce sont mes fleurs préférées. La lecture de ce livre m'a alors véritablement enchantée. Le lendemain, je me suis réfugiée dans le musée des beaux-arts. Ces retraites n'ont pas suffi car alors que Michel est venu me chercher avec nos filles pour nous rendre au Futuroscope tous les cinq, j'ai interrompu plusieurs fois le trajet pour une raison qu'il sera plus agréable aux lecteurs de laisser floue.

L'été 2007, j'ai emporté ce livre en Nouvelle-Calédonie, d'autant plus que je comptais m'arrêter une journée à Tokyo au retour. Ce livre m'a beaucoup plu à nouveau, mais j'ai moins apprécié certains des récits (On ne peut peut-être pas employer le terme de nouvelles) qui m'ont paru un peu flottants ou inconsistants. L'ensemble m'a paru cependant superbe, qui donne une attention et un poids à de toutes petites choses. Certains récits nous transportent au coeur du Japon du début du 20e siècle.

J'ai encore repris ce magnifique recueil avant notre rencontre littéraire de l'automne 2010. Et j'ai été une nouvelle fois subjuguée par la subtilité des récits. Le premier est inoubliable qui raconte un certain 1er janvier et une scène qui ridiculise l'auteur. Un autre ne cesse de nous faire grelotter. Et ce froid est aussi intense que poétique. Un autre encore nous met au coeur de la vie familiale. Les enfants se déguisent. Ce fait insignifiant est offert avec une sensibilité et une douceur ineffables, un sens de la couleur et du visuel extraordinaires, un sens de la scène, du théâtre, de la dramaturgie. Ce recueil nous incite à nous poser, à regarder la beauté des choses autour de nous, à apprécier le profondeur des instants, à donner de la consistance à de toutes petites choses, à ne pas être les esclaves de la fugacité du temps. C'est magistral et délicieux. Quel magnifique et délicat voyage ! Merci, les éditions Picquier !

Isabelle

http://www.shunkin.net/Auteurs/?book=431

http://www.lecturissime.com/article-petits-contes-de-printemps-de-natsume-soseki-101265582.html

6 commentaires:

  1. Ça y est, merci mes amis. Je l'ai! Ma gentille libraire avait dû se tromper de ligne sur son ordinateur. Il est là entre mes mains!!! Tout l'étrange japon détaillé à la loupe. Je n'en suis qu'à la sixième nouvelle mais je souscris avec enthousiasme à tout ce qui est écrit précédemment. Oui, Sôseki nous ouvre son cabinet d’estampes ! « Le serpent » déploie sous nos yeux une estampe de Hiroshige avec l’évocation des manteaux de paille, des chapeaux de jonc, l’immobilité des deux personnages environnés par les lignes ondulantes des flots, les rideaux rectilignes de la pluie et les nuances changeantes de l’eau et du ciel.

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  2. Vous avez lu sur la quatrième de couverture "Je vais aborder des sujets si ténus que je dois être le seul à m'y intéresser"? Impossible de trouver meilleure description du contenu de ce livre. C'est la première fois que des mots imprimés dans un livre rendent pour moi si vivants les minuscules frustrations, humiliations, désagréments ou inconforts qui émaillent nos vies. J'ai été très sensible aux récits londoniens qui dépeignent la manière dont notre entourage peut être oppressant, surtout quand on est loin du familier, mais je crois que je trouve encore plus fortes les toutes premières nouvelles qui décrivent les petites choses insignifiantes de notre home sweet home.

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  3. Tout à fait paticulier ce recueil: ce seraient des Haïkus dévellopés, tandis que les auteurs "occidentaux" font de leurs nouvelles des romans raccourcis. La perspective temporelle et le contenu en sont donc radicalement différents. Ici, un serent, un voleur, un chant ridicule suffisent à faire un sujet, tandis que, par exemple ches Katherine Mansfield, on sent qu'il faut absolument que plusieurs personnages prennent de l'étoffe en un minimum de temps. Voilà donc des nouvelles qui laissent respirer mais qui, à mon goût, ont encore plus l'amertume affolante de la fugacité des choses, de la vie en particulier. Sôseki n'est pas mort vieux...

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  4. De Christophe le 30/04/08

    Je relis ce soir la nouvelle sur la vente des patates douces. Comment est-il possible qu'un sujet aussi insipide devienne une histoire si attachante (au point de vouloir la relire) ? Si vous le savez, dites-le moi."

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  5. Le plaisir insoutenable et incomparable de la fugacité des choses peut-être? Ou bien l'attrait irrépressible de l'insignifiant porté au rang de sublime. Cette idée d'insipide me rappelle l'émotion culinaire à la simple dégustation de riz blanc que j'ai fini par ressentir après quelques semaines au Japon.

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  6. De Nicole le 07/08/08

    Etonnant recueil : je l'ai dégusté longuement, chapitre par chapitre, ne voulant pas mélanger les saveurs de ce festin inattendu ; Sôseki, en effet nous transporte dans "ses nombreux univers" que l'on a peine à quitter : on continue d'admirer mentalement ses tableaux (des estampes ont suggéré plusieurs d'entre vous), on voyage au Japon ou à Londres et même en Ecosse, on partage la vie de l'étudiant, du lettré, du père de famille, du poète, de l'enfant espiègle... La vie londonienne nous est donnée à travers le prisme du nippon, vision extrêmement originale. Sôseki philosophe souvent à partir du quotidien à qui il donne vie par la justesse et la précision de ses descriptions, il croque les petits travers de son entourage, il nous émeut lorsqu'un oiseau se pose sur sa main ou qu'il aperçoit par la fenêtre ses enfants déguisés ... L'escroc et le naïf plumé trouvent chacun leur place ! En bref, à partir de " petits riens" cet auteur nous offre une riche palette de sensations.

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