“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

lundi 8 mai 2023

W ou le Souvenir d'Enfance

 Auteur : Georges Perec (1936-1982)

Éditeur : Gallimard. Collection L'Imaginaire.


Quand il avait environ quatre ans, Georges Perec a perdu son père qui, bien qu'émigré, s'était engagé dans l'Armée française au début de la 2e Guerre mondiale. Mort au combat en 1940. Cet homme était courageux et juif, ce qui lui a valu de n'avoir aucune reconnaissance de l'Etat français. Également juive, sa femme restée seule n'a reçu aucune aide, bien au contraire. Ayant compris l'ignominie en oeuvre dans cet État pourri jusqu'à la moelle, elle a tout fait pour sauver son jeune enfant. À l'âge de six ans, celui-ci a été hissé dans un train en partance pour une colonie de vacances dans le sud. Il n'a plus jamais revu sa mère qui a fini ses jours dans un des lieux de honte infinie où ont fini leurs pauvres jours tant et tant de ses compagnes et compagnons d'infortune.

W ou le souvenir d'enfance est un texte unique en son genre : la fiction d'une organisation qui semble permettre l'épanouissement optimal d'athlètes accomplis. Mais petit à petit, chapitre après chapitre, ce qui correspondait à une sorte d'idéal de l'olympisme se révèle être un jeu sadique dans lequel les individus sont soumis au hasard, à l'aléatoire puis bientôt et sans aucune retenue au vice le plus abject, à la perversité la plus totale.
En alternance, d'autres chapitres sont le récit autobiographique de la recherche éperdue de l'écrivain sur ses parents, ses origines, son enfance, la disparition de ses parents, les circonstances de leur décès. Les indices, les témoignages des uns et des autres sont ténus, infimes. Quelques bouts de paroles, une photo écornée. Rien, presque rien.

La fiction quasi fantastique comble les lacunes du récit autobiographique morcelé, indigent, aux trous béants.
Voici bien sûr un livre très important du 20e siècle, écrit par un homme pour qui l'écriture est un lien essentiel avec la vie et les autres, un homme qui écrit W, qui écrit La disparition pour lutter contre l'oubli, la béance, le néant. 
Livre inoubliable.

Grâce au lien ci-dessous, vous trouverez les quatre émissions de "La compagnie des oeuvres" consacrées par France Culture à Georges Perec.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-georges-perec-mode-d-emploi

Grâce au lien ci-dessous, vous trouverez l'enregistrement et la vidéo d'une rencontre autour de Georges Perce, d'un hommage qui a eu lieu aux Champs libres à Rennes :




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