Auteur : collectif d'auteurs coréens
Traduit du coréen sous la direction de Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet
Éditions Philippe Rey
Très loin de l'image d'une Corée à la pointe de la technologie, branchée, moderne, riche, fastueuse, le pays de ces nouvelles est celui du joug, de l'écrasant prix payé par les classes sociales défavorisées. On y rencontre les laissés-pour-compte, tous ceux à qui le progrès économique ne profite pas, ceux que la société - par indifférence, par hostilité, par mépris - rejette : des femmes - beaucoup de femmes -, des travailleurs émigrés, d'innombrables individus qui sont le jouet du cynisme, de l'acharnement à se hisser à tout prix au-dessus des semblables, de la déloyauté, la trahison mais aussi des lois ou des us et coutumes sociaux et familiaux. Ici comme ailleurs - ici comme partout ailleurs -, le néocapitalisme déshumanise, utilise les êtres humains comme matière jetable, comme produit marchant. Les relations entre les êtres en sont abîmées, dévoyées, la vie irrémédiablement salie. Des femmes sont enlevées, assassinées en paroles et en actes. Emergent de ce brouillard, de ce cloaque quelques histoires lumineuses, parfois seulement des détails, parfois une prise de conscience, juste peut-être la réussite éclatante que représente la poussée hasardeuses de feuilles d'épinards par une femme qu'a brisée la place qui lui a été assignée et la fuite dans l'alcoolisme.
Il m'a semblé que la plupart de ces nouvelles avait un style approchant, que le recueil était assez homogène si l'on exceptait la nouvelle de Han Kang, Prix Nobel de littérature 2024 et la dernière traitant avec un certain humour noir du travail à la chaîne et de la manière de mettre certaines affaires à l'ombre. Pour ma part, j'ai été décontenancée par cette dernière nouvelle qui a séduit plusieurs des participants à la rencontre amict-littéraire du 13 au 15 août dernier. Si l'écriture de Han Kang m'a vivement intéressée par sa radicalité, c'est la première qui m'a bouleversée, celle qui donne son titre au recueil, et celle de la poussée des épinards. Je vous recommande ce recueil, pas le plus joyeux de la planète des livres mais une découverte de grande qualité ménageant une puissante immersion dans la Corée du Sud contemporaine.
Rien que les noms des auteurs et actrices est follement dépaysant :
Kim Ae-ran
Baek Ka-hum
Ahn Yeong-sil
Jo Kyung-ran
Park Chan-soon
Kim Yeon-su
Choi Jin Young
Han Kang
Yoon Sung-hee
Pyun Hye-young
Voici ci-dessous le lien qui vous permettra d'en connaitre un peu plus sur l'autrice de la première nouvelle : https://fr.wikipedia.org/wiki/Kim_Ae-ran
J'a voulu en savoir plus sur la maison d'édition Philippe Rey parce qu'il faut être particulièrement farfelu et avoir le goût démesuré du risque pour publier un recueil de nouvelles sud-coréennes. Si la nouvelle est un genre majeure en Corée, ce n'est en effet pas du tout le cas en France. Et que dire de notre méconnaissance générale de la Corée, a fortiori de la littérature coréenne ? Voici donc une présentation des éditions Philippe Rey : http://www.philippe-rey.fr/unepage-equipe-maison-1-1-0-1.html

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