“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

dimanche 8 octobre 2017

Tristan et Iseut

Auteur : Béroul (XIIe siècle)

Éditeur : Le Livre de Poche, Coll. Lettres gothiques



Rendu soupçonneux par les dénonciations de trois barons teigneux, le roi Marc, faisant fi de toute dignité, a grimpé vaille que vaille sur un pin du jardin d'où il épie l'échange verbal entre sa femme Iseut et son neveu Tristan. De la fenêtre de la chambre conjugale où elle se tient, Iseut a aperçu le roi. Fine mouche, elle manie un langage subtilement bifide. Elle feint la femme innocente, se plaint de l'image que peut donner ce rendez-vous s'il venait aux oreilles du roi, et, par les mêmes paroles à double détente, avertit Tristan de la présence de Marc et de la menace qui pèse sur eux deux. En déjouant la jalousie, elle gagne cette première manche. Mais les barons sont opiniâtres et les amants téméraires. Leur amour irrépressible leur fait prendre des risques inconsidérés et les fait courir à leur perte. Ils sont miraculeusement sauvés de la sentence royale impitoyable et se réfugient en forêt, lieu de l'amour libre mais aussi de la transgression et de l'ensauvagement. Cette situation de la mise au ban de la société ne peut durer. Je n'en dévoile pas plus pour vous donner envie d'aller lire l'un des premiers chefs-d'oeuvre de la littérature française mettant de suite en lumière tout le pouvoir de la langue.




Pourquoi en parlé-je ce jour ? Parce que mon propre mari, Michel, qui n'a pas les oreilles de cheval du roi Marc (serait-ce des cornes, ces fameuses oreilles de cheval ? ou n'y a-t-il qu'un jeu de mot avec marc'h, le mot gallois signifiant "cheval" ?), a décidé qu'il me faisait courir le dimanche matin. Nous sommes donc allés la semaine dernière faire 5 km, les 5 km du redoutable trail urbain de Lannion qui commence par les escaliers de Brélévenez, un truc à vous faire vomir vos tripes. Comme je n'avais pas tout à fait tourné de l'oeil, Michel m'a inscrite ce matin au trail de 10 km qu'un de ses copains organise pour financer un dispensaire au Niger. Trail en forêt. Pour que j'accepte le doublement de la distance, Michel m'avait vanté et vendu un parcours en quasi plat. Je ne me suis pas méfiée. Quelles étaient les conditions réelles ? Quand il faisait moche, il pleuvait méchamment, quand il faisait beau, il bruinait abondamment. Le dénivelé était sérieux, les pentes ascendantes bien plus nombreuses et importantes que les pentes descendantes bien que nous ayons effectué une boucle, mais en ce domaine, chacun sait qu'il n'y a aucune espèce de logique. Et avec la signalétique parfois insuffisante, nous nous sommes trompés et avons parcouru plus -pas beaucoup plus en réalité, mais trop par rapport à mes capacités et surtout mon mental. J'ai heureusement été sauvée par les encouragements de Michel et mon impression de travailler la littérature, là en pleine course. J'imaginais Tristan et Iseut dans cette merveilleuse forêt traversée ce matin - les paysages étaient magnifiques, les feuilles mordorées, les fougères luisantes d'humidité. Et la météo bretonne étant ce qu'elle est, nous avons été gratifiés de plusieurs bains de boue. Splitch ! Sploutch ! Dans Tristan et Iseut de Béroul, un passage inoubliable fait passer un gué, le Gué aventureux, à de très nombreuses personnes. L'endroit est rempli de boue. Il est quasiment impossible de le franchir sans se maculer. Un lépreux donne des indications plus ou moins bonnes pour choisir le meilleur passage, selon son bon vouloir et son estime des personnes en question. Seule la reine se joue du chausse-trappe et ne se salit pas, contrairement aux trois barons qui eux se vautrent dans la fange. Je n'ai pas été loin de tomber dedans ce matin. Mais le pouvoir des mots a encore fait merveille. Un courage revenu quand Michel m'aidait verbalement, et la souffrance des jambes totalement effacée quand je lui ai raconté la très belle histoire de Tristan et d'Iseut la Blonde.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Béroul

http://classe.bilingue.free.fr/index-5tristan1.html

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