“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

jeudi 31 décembre 2020

Claudine à l'école

Auteur : Colette (1873-1954)

Éditeur : Le Livre de Poche


Comment est-ce possible d'avoir eu autant de liberté et d'audace, liberté et audace offertes dans l'écriture vif-argent ? Cette Colette est absolument sidérante, narrant dans ce roman une année de son enfance/adolescence dans une petite école de Bourgogne. Cette période se partage entre la passion de la nature (ah, l'incipit, ce début d'une singularité crâne, à la fois ironique et moqueur envers les rédacteurs dénués de talent qui gribouillassent de laborieuses notices erronées sur son village, et exalté sur les bosquets, les bêtes et les feuillages, dévoilant à brûle-pourpoint la sensualité du rapport de Colette à son environnement naturel...), le désir pour d'autres filles, qu'elles soient jeunes femmes ou encore quasi fillettes, les chats - métaphore de Colette elle-même -, l'érotisme, la vivacité intellectuelle hors-norme, une lucidité hallucinante et une certaine cruauté mais encore l'acuité visuelle et psychologique, tout cela étant couché sur le papier grâce au génie de la formule et du rythme. C'est un feu d'artifice, un choc à chaque page et plusieurs fois par page !, le souffle coupé par l'étonnement, le rire, l'admiration, la stupéfaction. Je me suis demandé comment, après un début aussi arraché à la platitude, aussi virtuose, Colette allait réussir à tenir le lecteur en haleine. Le défi est relevé avec un brio infini, l'écrivaine parvenant même à faire progressivement monter la tension dramatique jusqu'à l'explosion finale du passage d'examen, morceau de bravoure qui tente vainement de cacher la mélancolie et la conscience que la vie est déjà quasiment finie, que tout est presque terminé quand l'interminable enfance a soudain passé, a passé d'un coup, sans prévenir. Quel vertigineuse découverte ! 



Colette n'a pas volé sa nomination à l'unanimité à l'Académie Goncourt. Elle est la deuxième femme à qui la République a accordé des funérailles nationales.

Colette est publiée en intégralité dans la Pléiade.

Grâce à ce lien, vous pourrez découvrir toute les émissions que France Culture a dernièrement consacrées à Colette : https://www.franceculture.fr/personne/colette

Le lien suivant permet de lire une courte biographie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Colette

Enfin, celui-ci, très bien fait, évoque l'adaptation qui a été faite en BD de ce roman : https://www.telerama.fr/livre/la-bedetheque-ideale-191-claudine-a-lecole,-de-lucie-durbiano,-dapres-colette,n5621365.php


Portrait de Colette, vers 1896, par Ferdinand Humbert 







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