“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

mardi 29 décembre 2020

Le Nazi et le Barbier

Auteur : Edgar Hilsenrath (1926-2018)

Traduit de l'allemand par Sacha Zilberfarb et Jörg Stickan
Éditeur : Le Tripode


Oh bon d'là, quelle secousse ! Ça vous flanque une de ces gifles, cette affaire ! Il s'agit de nouer ensemble l'irréconciliable, l'absolu non-nouable : la Shoah et le burlesque, le grotesque même, le parcours d'un génocidaire avec le rire. Autant dire que le rire est grinçant, que pour moi, même, il n'y a jamais eu le moindre prémisse de rire et que j'ai pataugé du début à la fin dans le glauque et le nauséeux. Aucune larme non plus, mais une entrée effarée dans l'inconnu, dans le bal des vampires, dans le tunnel grimaçant des horreurs présentées sans aucun pathos. Ne cherchez pas, il n'y en a pas. Pas de pathos.

Le narrateur est non seulement homodiégétique - il est présent dans l'histoire qu'il raconte - mais autodiégétique, c'est-à-dire qu'il n'est pas seulement témoin des événements qu'il présente mais qu'il est le héros de l'histoire. Peut-on pour autant parler de héros ? Le narrateur est un Allemand qui, pour échapper à la poursuite contre le génocidaire nazi qu'il est, après avoir assassiné des milliers de juifs dans un camp, prend l'identité de son ami d'enfance juif, étudie et devient plus juif que juif, va jusqu'en Israël et termine sa vie sans être inquiété le moins du monde même après avoir révélé sa forfaiture. Tout cela est enlevé avec un sens aiguissime du rythme, du contraste, du choc, du cru et de la dérision tous azimuts. Une émulsion des plus électrisantes, avec les doigts dans la prise du début à la fin. Mais heureusement qu'il s'agissait d'un livre offert par nos amis Marie-Christine et Jacques car j'aurais eu du mal à faire face à cet OBNI (Objet Littéraire Non Identifié), notamment au milieu du livre où l'alliance contre-nature du fond et de la forme a commencé à me donner une de ces fatigues, une de ces lassitudes et une interrogation des plus déroutantes. Marre de la saleté, même sous cette forme qui se joue de toute lourdeur. Pourtant je recommande très chaudement ce livre qui nous met sous les yeux le lien indissociable du nazisme avec la sexualité, avec les multiples formes de déviance sexuelle d'une part et qui pose des questions très profondes de ce qu'est l'identité. Et puis, ce livre donne à palper l'incroyable puissance de la littérature. Quelle expérience, quelle expérience ! Merci, les amis !!

Edgar Hilsenrath n'a pas trouvé d'éditeur en Allemagne malgré la critique élogieuse de l'immense écrivain Heinrich Böll rendant hommage à la qualité littéraire de l'œuvre et à son style « qui foisonne plein de sève et pourtant touche souvent juste, déployant une poésie à la fois sombre et calme »

"Écrit durant l’exil d’Hilsenrath à New York, le livre fut d’abord un best-seller aux États-Unis avant d’être publié en Allemagne, avec un succès polémique. Désormais considéré comme un classique, ce titre montre un autre aspect, tout aussi iconoclaste, du génie littéraire de l’auteur de Fuck America." Ed. Le Tripode.



Vous trouverez dans ce premier lien une présentation de l'histoire. 
https://le-tripode.net/livre/edgar-hilsenrath/meteore/le-nazi-et-le-barbier

Vous trouverez dans ce deuxième lien une critique d'un des membres de Téléram, qui adjuge trois T au livre, ce qui signifie "aime passionnément". 
https://www.telerama.fr/livres/le-nazi-et-le-barbier%2C53872.php


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