“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

jeudi 7 juillet 2011

Histoire et faux-semblants

Auteur : Didier Daeninckx (1949-)

Editions Gallimard

J'ai lu ce petit recueil de la collection folio à 2 euros juste après avoir quitté le luxueux volume de Leonard Michaels à l'écriture expérimentale, recherchée et flamboyante. Les deux écrivains ne peuvent pas être plus dissemblables. Alors que Michaels est issu des milieux aisés de la société nord-américaine, Didier Daeninckx est un prolétaire né dans le 9-3, à Saint-Denis. L'écriture de ces nouvelles policières m'a rappelé l'âpreté de celle de Chantal Pelletier, la violence et la misère décrits chez Christian Roux (Ah, Braquages ! Editions Gallimard, coll. folio policier).
Comme l'indique la couverture, les vies et les corps sont ici malmenés, brisés par des histoires individuelles inscrites dans une réalité sociale et politique. Voilà encore une des innombrables vertus de la littérature : nous fourrer le nez dans des endroits nauséabonds, nous aider à ne pas oublier les oubliés de nos démocraties libérales. Même en littérature, ce n'est pas si facile.
Alors que je n'ai pas été renversée par le style que j'ai parfois trouvé un peu plat, la lecture de ce livre m'a intéressée. La question des ressemblances physiques entre les personnages ne m'a pas semblé essentielle mais la dernière des quatre histoires m'a passionnée, évoquant le sort des Canaques durant la Première Guerre mondiale. Il s'avère que mes deux voyages en Nouvelle-Calédonie m'ont irrémediablement liée au fameux Caillou...
L'une des nouvelles - Mères glorieuses, mères angoissées...-, en étant située à Paris durant la deuxième Guerre mondiale, établit un lien ambigu avec l'Allemagne. Je profite de cette aubaine un peu artificilelle pour écrire quelques mots du chef-d'oeuvre que j'ai dévoré juste après : L'honneur perdu de Katharina Blum de Heinrich Böll. Quel style, quel engagement ! J'ai constamment été enthousiasmée par la verve vivace, par le courage politique et l'indépendance de cet auteur. J'avais entendu parler de ce livre depuis si longtemps, Heinrich Böll étant très présent dans les cours d'allemand, ma première langue. Ce bouquin m'est tombé dans les mains de la manière la plus inattendue. Viviane (oui, la metteur en scène Viviane Marc), ayant besoin de livres pour l'une des magnifiques scènes du spectacle Chansons folles du 18 juin dernier au Carré Magique (On n'aime guère que la paix) avec la Maîtrise et la Chorale d'enfants, avait récupéré des specimens complètement au bout du rouleau dans une déchetterie. La plupart était d'un niveau littéraire plus que douteaux mais mon oeil fut attiré par celui-là que je n'oubliai pas et qui ne me laissa de repos avant d'en avoir englouti la dernière ligne. Moi qui aime les livres en bon état, j'étais servie ! Mais l'inépuisable énergie du texte m'a constamment fait oublier l'éreintement de ce volume.
Lisez Böll !

Voici un lien très intéressant sur Didier Daeninckx dont j'encourage la lecture :
http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-daeninckx-2.html

Voici également un lien sur Heinrich Böll :
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'Honneur_perdu_de_Katharina_Blum

Je ne résiste pas à l'envie d'indiquer le lien ci-dessous nous permettant, une fois de plus, de constater la divergence incommensurable des goûts en matière littéraire et artistique.
http://www.livres-online.com/L-honneur-perdu-de-Katharina-Blum.html

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