“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

lundi 11 juillet 2011

La terre chinoise



Auteur : Pearl BUCK (1892, Hillsboro-1973, Danby)


Différentes éditions








La profusion d’un roman fleuve, si l’écriture est maîtrisée, autorise à son auteur une grande variété de niveaux de lecture. C’est ce que Pearl Buck réussit à merveille dans cette trilogie de « La terre chinoise ». Il y a d’abord une – on pourrait dire plusieurs – histoire romanesque en diable. Des péripéties à n’en plus finir. Cependant, si d’une certaine façon l’auteur témoigne du réel qu’elle a connu lors de son enfance, elle s’arrête à la vraisemblance. L’Histoire n’est pas son registre. L’époque est vaguement située, le lieu, encore moins. Point rapidement l’étude sociale, l’étude des mœurs de classe, le conflit d’une extrême violence entre pauvres et riches. Mais, à la différence d’écrivains marxistes, Pearl Buck renvoie chacun à sa part de responsabilité, et s’ingénie à battre et rebattre les cartes à l’aide du destin et des éléments naturels. Elle assume son rôle de démiurge. Le roman fleuve s’attache particulièrement à une lignée de personnages, ici des générations aux fortunes diverses, c’est le moins que l’on puisse dire : de mendiant à chef de guerre… Ici aussi l’écriture ne se laisse pas emporter au picaresque, elle cherche plutôt l’archétype dans le personnage. De sorte que chaque personnage est le fragment d’une humanité complète. Alignez devant vos yeux Wang-Lung, ses fils, O-Len et tous les autres, et vous aurez dans une même perspective toutes les facettes de l’humain. Face à l’adversité, les uns prennent le statut de victime, ou celui de bourreau, et tous changent de camp en cours de route. Ainsi, le terreau vaguement XIXème siècle de l’histoire devient un terrain de jeu, un jeu de miroirs que nous tend l’auteur. Un jeu cruel pour l’humanité, bien sûr, de cette cruauté que l’occident prête de bon cœur à la Chine, et qui comporte peut-être une part de vérité –de notre vérité-. En particulier, le passage poreux entre bourreaux et victimes se double d’un glissement des générations : au fil des livres, les enfants deviennent les parents, et l’équilibre moral est démantelé puis reconstitué différemment. Plus l’on s’immerge au fond du texte, plus on s’y rencontre soi-même, ultime personnage principal du récit. Bonne lecture.

http://www.omnibus.tm.fr/la-terre-chinoise-pearl-buck-L9782258077485.html

http://sublimeacide.pagesperso-orange.fr/pages/litt%E9/la%20terre%20chinoise,%20pearl%20buck.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pearl_Buck

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