“A quoi sert d’être cultivé ? A habiter des époques révolues et des villes où l’on n’a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n’avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l’ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n’avoir qu’une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire.”

Mona Ozouf, historienne, auteur de La Cause des livres (Gallimard)


Existant grâce à une idée de Nicolas I, à l'aide avisée de David, Michel et Nicolas II (merci à ces quatre mousquetaires !), ce blog permet de proposer et partager des lectures. Après une rage monomaniaque autour de la nouvelle, le blog tente une percée en direction du roman-fleuve. Ce genre fera l'objet d'une rencontre amico-littéraire à une date non encore précisée. D'ici là, d'ici cette promesse d'ouverture, écoute et échanges, proposons des titres, commentons les livres déjà présentés, dénichons des perles, enrichissons la liste conséquente des recueils de nouvelles.


Chers amis, chers lecteurs gourmands, je loue et vous remercie de votre appétit jubilatoire sans quoi cette petite entreprise serait vaine.

Bonne lecture à tous et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Isabelle

lundi 11 juillet 2011

La maison aux esprits



Auteur : Isabel Allende (1942, Lima-Nous lui souhaitons une longue vie)


Traducteur : Claude et Carmen Durand

Collection : Littérature & Documents


Ayant eu le plaisir de faire la recension de la trilogie de Pearl Buck, je voudrais y opposer ce livre d’Isabel Allende, « la casa de los espiritus », « la maison aux esprits ». Non pas en terme de plaisir, bien sûr, les deux ouvrages sont couverts d’honneurs et de prix, mais en terme de pouvoir de l’écriture. Car là où la première se servait de l’Histoire pour mettre en lumière la vérité de l’homme, la seconde, quant à elle, se sert des personnages pour faire surgir la vérité de l’Histoire. Sa fiction nous dit tout le vrai de la réalité. Celle du Chili de son oncle Salvador, à travers quatre générations de femmes, de la dynastie des Trueba. Tandis que les événements, déclenchés dans le beau pays de Chine par un auteur un tantinet perverse, servaient de révélateur des penchants humains, chez l’autre, il est prouvé que les comportements adaptés à une époque donnée, deviennent dangereux à d’autres moments. Pearl Buck est un chercheur en sciences humaines, dont le laboratoire est la fiction. Isabel Allende est un prophète moderne. Les personnages de son livre sont châtiés de leur manque de clairvoyance, de leur orgueil, parfois connaissent la rédemption par l’amour. Elle est la chroniqueuse de quatre générations frappées par le destin, rattrapées par leurs fautes, grandeurs et décadences. Elle aime tous ses personnages, parce qu’elle les connaît, elle sait d’où ils viennent et où ils vont, elle aime le Chili. Voici ce qu’elle dit : " La Maison aux esprits a été ma façon d'essayer de sécher les larmes dont j'étais remplie, de donner corps à la douleur pour en faire ma prisonnière. Ce faisant, j'ai attribué à l'écriture le pouvoir de ressusciter les morts, de renouer avec les disparus, de reconstruire un monde perdu."

Christophe



http://mondalire.pagesperso-orange.fr/maisesprits.htm

http://fr.wikipedia.org/wiki/Isabel_Allende

http://littexpress.over-blog.net/article-12965006.html

http://livres-et-cin.over-blog.com/article-21933228.html

3 commentaires:

  1. Je viens de terminer la lecture de ce livre qui ne peut laisser indifférent. J'ai été souvent très troublé par la cruauté de certains personnages que l'auteur ne condamne pas irrémédiablement. Il pourrait pourtant être plus confortable de séparer en deux clans bien distincts bons et méchants. L'auteur ne tombe pas dans ce manichéisme. D'autre part, le fait que le surnaturel côtoie des faits historiques et bien réels rend ce livre atypique. On sourit de temps en temps, ce qui fait du bien car le plus souvent, les faits relatés sont très durs. Je serais heureux de lire vos commentaires. J'ai hâte d'échanger avec vous sur ce livre.

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  2. Voici un livre qui ne se laisse pas découvrir d’emblée. Au début le picaresque des décors et des personnages séduit, sans toutefois vraiment accrocher, et j’ai eu plaisir à découvrir la vie de cette famille baroque dans le milieu quasi colonial de la haute société sud-américaine du début du siècle dernier. Mais d’épisodes en épisodes, je me suis lassé de ces tranches de vie moitié dramatiques et moitié loufoques ponctuées par quelques délires amusants comme la tête de Nivea, le couteau planté dans le flanc de Barrabas, les cheveux verts de Rosa et les salières automobiles. Et puis, j’ai trouvé un peu facile le procédé d’annonce préalable des malheurs de chacun sur le ton de « on n’échappe pas à son destin » le tout sur un faible arrière-plan à peine esquissé en deux phrases sur la 1ère guerre, trois sur la 2ème et quelques mots sur les chemins de Katmandou.
    Je dois donc dire qu’arrivé à un peu plus de la moitié, je me suis demandé où Isabel voulait en venir et que, bien qu’agréable à parcourir, je me préparais à ranger son roman dans la catégorie « qu’on peut lire ».
    Mais le personnage d’Esteban captive, celui de Clara fascine et le livre s’accélère enfin avec l’amour socialement impossible de Blanca, l’éveil de la conscience populaire et la convergence des destinées au fil des générations. Tout se met alors en place pour cette fin poignante et réconciliée qui donne son sens à cette belle saga historique. A classer dans la catégorie « qu’il faut lire absolument »

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    1. Proposé par Christophe, ce roman-fleuve est du type Seine plutôt qu'Amazone. Malgré sa relative brièveté - 541 pages y sont quand même déployées -, il s'étend sur quatre générations qui voient le Chili évoluer de la ruralité et la toute-puissance des classes sociales supérieures à la propagation des idées révolutionnaires, l'avènement d'une présidence progressiste, le coup d'état militaire engendrant la dictature la plus sanguinaire.
      Comme dans la plupart des familles, beaucoup plus que dans la plupart des familles, les Del Valle et les Trueba sont incompatibles. Ils s'unissent pourtant pour le meilleur et pour le pire. Cette union contre-nature ne cesse d'étonner et d'enseigner sur l'art de coexister avec nos semblables aux irréductibles différences.
      Clara, l'un des personnages principaux, illumine tout le livre par sa clairvoyance, sa gentillesse et son indéfectible bonté. Elle semble porter toute sa famille sur ses épaules. A sa mort, une longue descente commence. Le récit perd alors l'aspect étrange, surnaturel, léger et plein d'humour qui faisait supporter la cruauté de certains passages. Il faudra dorénavant traverser la fin du livre, son réalisme et sa dureté implacable.
      En employant une langue distanciée, Isabel Allende refuse le pathos pour ne pas laisser l'émotion altérer la réflexion. Malgré cela, si attachée au personnage de Clara, j'ai porté le deuil à sa disparition et j'ai frémi durant l'épreuve d'Alba.
      Baroque, ce livre l'est non seulement par l'effervescence et l'hétérogénéité du récit, la multitude carnavalesque des personnages mais aussi par la constante irruption de l'irrationnel et de l'invisible.
      Oui, Jean, un livre à lire absolument parce que l'auteur y offre sa traversée de la nuit la plus noire, sa lutte pour la vie, son sourire et son immense sagesse humaniste. Merci, Christophe !

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